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On a lu on a vu

Le pacte de la honte

(Ce qui arrive aux migrants en Lybie et en Tunisie, avec financement de l’Europe…)

Article de Don Mattia Ferrari,

Publié dans La Stampa du 22 juillet 2024.

Un cri retentit aux portes de l’Europe. C’est le cri de nos frères et sœurs qui, depuis des années, subissent une violence indicible aux frontières de nos pays. Des événements choquants se sont répétés ces dernières semaines et les dénoncer avec beaucoup de courage, c’est comme souvent le fait Refugees in Libya, le mouvement social composé de migrants eux-mêmes pour se soutenir mutuellement et construire une véritable fraternité avec tous. Refugees in Libya a publié diverses preuves documentaires de crimes réels qui ont été répétés pour la énième fois ces derniers jours. L’histoire ressemble à un film dystopique, mais c’est de la réalité dont nous sommes responsables.

Le 9 juillet, 52 personnes, après un voyage de souffrance et d’espoir à travers le désert, ont quitté Sfax, en Tunisie, à bord d’un bateau. Ils fuient la situation de graves violations des droits de l’homme dont souffrent de plus en plus les migrants en Tunisie et tentent de rejoindre l’Europe à la recherche d’une vie digne et fraternelle. L’Europe et l’Italie, cependant, ont longtemps choisi de se fermer à cette demande de fraternité et de suivre plutôt le chemin du rejet. Alors que ces 52 personnes sont en mer, elles sont repérées par Frontex, l’agence européenne de contrôle des frontières. Au lieu de les aider à être sauvés, il transmet l’information aux garde-côtes libyens et tunisiens. À un certain moment de leur voyage, ces 52 personnes ont été rejointes en mer par la Garde nationale tunisienne, qui les a capturées et ramenées au port de Sfax. Là, ils sont battus, menottés et dépouillés de leurs téléphones et de leurs effets personnels. Ils passent toute la journée au port de Sfax, chacun menotté. Le soir, ils sont emmenés dans un camp de concentration entouré de barbelés. Ils sont ensuite chargés dans de grands bus et jetés dans le désert à la frontière avec l’Algérie, sans nourriture, sans eau ni abri.

Le 12 juillet, 25 d’entre eux, grâce à un téléphone qu’ils avaient réussi à cacher lors de l’enlèvement, ont contacté Refugees in Libya, envoyant des photos et des vidéos et demandant à être secourus. Peu de temps après, cependant, la batterie du téléphone s’épuise et pendant des jours, ils ne peuvent plus communiquer avec le reste du monde. La traversée du désert est difficile et 7 personnes finissent portées disparues. Le 20 juillet, les 18 survivants ont réussi à arriver à Alger. Ils ont campé devant le siège local de l’Organisation internationale pour les migrations et de là, ils ont réussi à reprendre contact avec les réfugiés en Libye, leur demandant de répandre leur cri, afin que quelqu’un puisse les sauver.

Le même sort est arrivé depuis des mois à des milliers de personnes, déportées dans le désert tunisien ou enfermées dans des camps de concentration libyens. La violence du régime tunisien, à qui nous demandons de repousser les populations en notre nom, frappe tous les migrants sur le territoire. Le 17 juillet, les militaires ont violemment expulsé des migrants dans la campagne autour de Sfax et incendié leurs abris de fortune : des femmes enceintes ont été blessées par des coups, des familles avec enfants ont été violemment battues et forcées de fuir.

Refugees in Libya nous demande d’avoir l’honnêteté de reconnaître qui sont les instigateurs de cette violence : c’est nous. C’est nous qui finançons tout cela. C’est nous, citoyens, qui ne nous opposons pas assez, ou pire, qui exprimons notre satisfaction.

Des réfugiés en Libye ont également diffusé une vidéo dans laquelle un garçon, la tête dégoulinante de sang, supplie d’envoyer une rançon de 2 millions de francs CFA, tandis que ses bourreaux brandissent deux épées devant sa gorge. Dans ses yeux, vous pouvez voir la peur d’un jeune homme qui s’est retrouvé entre les mains de miliciens mafieux uniquement parce qu’il croyait en la fraternité universelle, il croyait qu’il y aurait des gens dans ce monde qui l’accueilleraient pour ce qu’il est, un être humain et un frère, et au lieu de cela, il s’est retrouvé rejeté et livré aux criminels. Le garçon demande de l’aide, supplie, mais qui écoutera son cri ?

Mediterranea Saving Humans a transmis toutes ces vidéos à la Commission des droits fondamentaux de l’ONU, à la Cour européenne des droits de l’homme et à la présidence de la République italienne. Nous ne pouvons pas être insensibles à cette douleur, nous ne pouvons pas prétendre que nous n’en sommes pas responsables, tant pour les injustices qui sous-tendent la migration forcée que pour les rejets qui sont à l’origine de cette violence indicible. Chaque personne a un choix fondamental : rester indifférente, et donc complice de tout cela, ou écouter le cri de fraternité qui vient de la Méditerranée. L’histoire nous enseigne que, s’il y a deux chemins, un seul nous sauve, celui qui sauve tout le monde, parce que ceux qui se trompent en pensant qu’ils peuvent se sauver en fermant la porte sont en réalité perdus. C’est ce que la vie nous enseigne. C’est pourquoi il y aura toujours ceux qui mèneront la résistance de l’humanité et de la fraternité, en se plaçant à côté de ces personnes. Mais nous devons tous agir, nous devons vraiment assumer la fraternité. Ce n’est qu’ainsi que nous nous sauverons nous-mêmes.