A Calais, l'impasse

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A Calais, l’impasse

12 novembre 2012 - Libération - Madjouline Sbaï

Depuis près de vingt ans, des migrants en transit se retrouvent sur le littoral entre Ostende et Cherbourg, attendant de trouver à passer en Angleterre. D’abord Yougoslaves et Irakiens, puis, Afghans, Kurdes, Irakiens, Palestiniens, Vietnamiens, Ethiopiens, Soudanais, Erythréens, Somaliens et maintenant Syriens. La plupart sont anglophones et ont un contact en Angleterre. Au rythme des crises et conflits mondiaux, ils arrivent, épuisés après être passés entre les filets de Frontex et avoir voyagé de l’Europe du Sud ou de l’Est jusqu’au Calaisis.

Sur place, ils se retrouvent sans abri depuis la fermeture de Sangatte en 2003. Les places en Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) sont insuffisantes et ne sont pas ouvertes à tous. Seul 27% des demandeurs d’asile en France y ont accès. Les « jungles », camps de fortunes, ont fleuri sur les bords des autoroutes, dans les talus, près des aires de stationnement des camions. En 2009, une des plus importantes a été détruite sous le feu des médias. Ce n’est pourtant pas la fin des jungles, ni de l’errance des migrants. Ce sont les associations qui assument la prise en charge de la détresse de ces femmes et hommes. Ils fuient leur pays d’origine et la guerre, puis les mauvais traitements, les violences, le dénuement que leur offre la France, dont ils ne connaîtront que bosquets, soupes populaires et gardes à vue.

Nous espérons que l’eldorado qui les attend au bout de ce périple pansera les plaies vives des humiliations répétées. Mais nous qui restons ici, dans le Nord-Pas-de-Calais, habitants, élus, citoyens de cette région, nous sommes dans une impasse. Elle est le fruit de choix politiques que nous avons dénoncés en leur temps : le cadenassage coûteux des frontières de l’Europe, la complexité et le manque de moyens pour une vraie politique d’accueil et d’asile, la mise en place de mesures de dissuasion pour éloigner les migrants…

C’est une impasse car, depuis vingt ans, ces mesures n’ont pas empêché les personnes de venir, mais ont accru leur souffrance. Ces mesures n’ont en rien atténué le succès des thèses anti-immigration de l’extrême droite. Au contraire, les coups politiques et les déclarations sur les réseaux mafieux ont augmenté leur audience. Ces mesures ont créé un malaise moral. Le malaise moral d’avoir été les acteurs ou les spectateurs de l’élaboration d’une politique de l’inhospitalité.

Aujourd’hui, nous voulons sortir de l’impasse. Il y a des voies très simples comme la mise en application de la circulaire interministérielle du 26 août. Cette circulaire prévoit la création, par l’Etat, d’une instance locale de dialogue entre associations et pouvoirs publics pour améliorer l’accueil des migrants, anticiper les évacuations et proposer des solutions d’hébergements et d’accompagnement adaptées.

Avoir cette instance de travail est une étape pour expérimenter localement ce que peut être une politique de l’hospitalité. C’est tout ce que nous souhaitons pour notre région et notre pays, une politique qui fasse de l’accueil de l’autre, non pas un moment de désarroi, mais une rencontre, un enrichissement, un échange.

Par MAJDOULINE SBAÏ Vice- présidente EE-LV du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, membre du Réseau des élus hospitaliers

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