A Kaboul pour le Nouvel an afghan, les cerfs-volants se battent toujours

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A Kaboul pour le Nouvel an afghan, les cerfs-volants se battent toujours

22 mars 2012 - Le Parisien - AFP

La voile blanche passe sous sa concurrente verte, mauve et orange, tranchant le fil la reliant à son propriétaire. Kayum Khan, la vingtaine, les yeux pétillants, peste sans trop y croire, un grand sourire aux lèvres ; sur ses terres de Kaboul, il a encore perdu son combat de cerfs-volants.
A ses côtés, des centaines d’hommes et d’enfants, couvés par les regards de leurs mères ou soeurs, s’adonnent à leur passe-temps favori.
Au deuxième jour de Norouz, le nouvel an afghan, tous oublient l’espace d’une après-midi le quotidien de leur pays en guerre et ruiné, dans ce hobby qualifié de "non-islamique" par les talibans, et donc interdit sous leur règne (1996-2001).
L’avant-veille au soir, nombre d’entre eux ont tressailli, quand plusieurs puissantes explosions ont retenti dans la capitale. Les réseaux sociaux se sont affolés, anticipant des combats urbains. Les gardes de compagnies privées ont agrippé leurs armes. Il ne s’agissait que d’un feu d’artifice, non annoncé, marquant le changement d’année.
D’après le calendrier perse, en vigueur en Afghanistan, le pays est entré en 1391. Mercredi après-midi, alors que Kaboul fonctionnait au ralenti, la foule s’est donc ruée au sommet de la colline de Naderkhan, en plein coeur de la ville. Et une myriade de cerfs-volants se sont envolés dans le ciel bleu.
"Chaque Nouvel an, nous venons faire des combats de cerfs-volants", raconte Harst Kalq, un interprète âgé de 20 ans, entouré de sa famille. "Le cerf-volant, c’est notre culture. Tous les Afghans aiment cela. Les enfants savent en faire depuis tout petit", poursuit-il. A ses côtés, une marmaille gesticule, un fil à la main.
A petit enfant, petit cerf-volant, qu’on dirait découpé dans un sac plastique. Aux adolescents et adultes de plus grosses voiles. Et un langage de technicien. "Ce qu’il nous faut, c’est du fil britannique, bien coupant", pour tailler celui des adversaires, détaille-t-il, ajoutant que "le fil pakistanais, lui, ne vaut rien."
Fil pakistanais ou pas, la plupart des participants entourent leur index de scotch, pour éviter de se retrouver les doigts en sang. Il y a quelques décennies, les concurrents enduisaient leur fin cordon de colle et de verre pilé, comme le raconte Khaled Hosseini dans son roman "Les cerfs-volants de Kaboul".
Pas besoin par contre de matériel à 2.000 afghanis (30 euros), comme certains en apportent, assure Harst Kalq. Son ami Kayum Khan et lui achètent des cerfs-volants à de jeunes vendeurs ambulants. Entre 20 et 50 afghanis l’unité (30 à 80 centimes d’euros), certains peuvent en consommer vingt dans une journée.
"J’ai apporté cent pièces avec moi, fabriquées à Kaboul. J’en vendrai bien 60 ou 70 avant la nuit", espère Ahmad Zial, un marchand de 15 ans, qui espère gagner 1.000 afghanis (15 euros) mercredi.
Derrière lui, des enfants en haillons, portant de grandes perches en bois surmontées de pics, jouent du coude pour empaler les voiles des vaincus alors que celles-ci s’écrasent lentement vers le sol. Ils revendront ensuite leur conquête pour quelques afghanis.
"Les Afghans sont un peuple indépendant. Ils chérissent les coutumes mais abhorrent les lois, écrit Khaled Hosseini. Il en allait de même avec les cerfs-volants. Les règles étaient simples : il n’y en avait aucune à respecter. Faites voler vos cerfs-volants. Coupez le fil de vos adversaires, bonne chance."

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