Asile : la Cour de justice européenne dynamite le règlement « Dublin II »

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Asile : la Cour de justice européenne dynamite le règlement « Dublin II »

21 décembre 2011 - Les Coulisses de Bruxelles (Blog Libération)

La Grèce, c’est un secret de polichinelle, est la porte d’entrée dans l’Union européenne de 90 % des immigrants illégaux qui, soit cherchent de meilleures conditions de vie, soit veulent obtenir l’asile parce qu’ils sont persécutés dans leur pays d’origine. Mais voilà, Athènes n’a ni les moyens, ni les infrastructures pour traiter seule cet afflux et l’immigration est encore moins une priorité depuis que la crise de la dette souveraine ravage le pays. Résultat : les étrangers subissent souvent des « traitements inhumains et dégradants » et les demandes d’asile se voient opposées la plupart du temps un refus pur et simple.

Les étrangers savent parfaitement ce qui les attend : aussi, une fois entrés dans l’Union par la porte grecque, ils se dépêchent de se rendre dans un autre pays, généralement avec lequel ils ont des liens culturels ou familiaux, pour y déposer leur dossier de demande d’asile. Mais voilà : le règlement de Dublin II du 18 février 2003, qui transcrit dans le droit communautaire la convention de Dublin de 1990, prévoit que le pays responsable du traitement de la demande d’asile est le pays de premier accueil : l’idée est à la fois d’éviter le « forum shopping », le réfugié choisissant le pays le plus généreux en la matière, et que chaque pays se renvoie indéfiniment la responsabilité du traitement de la demande.

Le problème est qu’à l’époque personne n’avait imaginé que grande majorité d’étrangers sans papier passerait par la Grèce… Ce qui ne pose guère de problèmes moraux aux partenaires d’Athènes qui appliquent Dublin II à la lettre en renvoyant à tour de bras vers ce malheureux pays tous ceux qui ont eu l’idée saugrenue de passer par là. Seule la Suède refuse de se livrer à ce petit jeu, bien consciente qu’un renvoie en Grèce signifie détention dans des conditions désastreuses, rejet quasi certain de la demande d’asile, reconduite à la frontière turque où la charmante police locale s’empresse de faire subir une série de mauvais traitements destinés à faire passer l’envie à quiconque de retenter la traversée par la Sublime Porte…

La Commission européenne a bien proposé, en décembre 2008, d’amender Dublin II afin de le rendre plus humain. L’idée, comme me l’expliquait alors Jacques Barrot, commissaire chargé de la justice et de l’immigration, était que « la demande puisse être examinée dans le pays dans lequel le demandeur se trouve à condition qu’il puisse faire état de liens familiaux, de connaissances ou d’une forte présence de sa communauté. Nous allons aussi instaurer un mécanisme de suspension de Dublin décidée à la majorité qualifiée des États sur proposition de la Commission qui sera déclenché si un pays connaît un fort afflux de demandes. Ainsi, on ne pourra plus lui renvoyer les demandeurs qui sont entrés dans l’Union par son territoire, à condition qu’il s’engage à examiner tout le stock des demandes ». Ce projet est depuis enterré, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni formant une solide minorité de blocage. Pour eux, c’est à la Grèce de régler seule ce petit problème et de surveiller efficacement ses milliers d’îles… Une solidarité communautaire qui fait chaud au cœur.

Heureusement, la Cour de justice européenne, qui s’érige de plus en plus en protectrice des droits fondamentaux comme en témoigne une série d’arrêts récents (dernièrement en matière de détention des sans-papiers), a décidé, ce matin, de mettre le holà à ce qui apparaît comme une mauvaise application du règlement de Dublin II. Si elle estime fondé le système imposant le traitement des demandes d’asile par le pays de premier accueil, elle rappelle qu’il a été élaboré dans « un contexte permettant de supposer que l’ensemble des États y participant respecte les droits fondamentaux et que les États membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard ». Mais il ne s’agit pas d’une « présomption irréfragable » (qui n’admet pas de preuve contraire). Autrement dit, « il incombe aux États membres, juridictions nationales comprises, de ne pas transférer un demandeur d’asile vers l’État membre désigné comme responsable lorsqu’ils ne peuvent ignorer que les défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile constituent des motifs sérieux et avérés de croire que le demandeur courra un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».

Ce que les États ont refusé, la Cour de Justice leur impose donc sans ménagement au nom du respect de la Charte de l’UE qui s’impose à la législation européenne depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

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