Bernard Cazeneuve : « Je veux que les Anglais soient plus présents à Calais »
3 septembre 2014 - La Voix du Nord - Hervé Favre
De retour d’une tournée européenne, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve qui recevait ce mardi la maire de Calais Natacha Bouchart nous expose son plan pour réduire la pression migratoire. Mais pas question de rouvrir un Sangatte !
Depuis la fermeture de Sangatte en 2002, tous vos prédécesseurs se sont heurtés à l’afflux des migrants vers Calais. Pourquoi auriez-vous plus de chances de réussir ?
J’ai une autre méthode. Je souhaite que l’on trouve pour Calais une solution globale, pour garantir un accompagnement humain aux migrants et apporter aux Calaisiens la sécurité et la tranquillité auxquelles ils ont droit. Nous pouvons y arriver en dégageant un consensus large avec les élus, les associations, et l’Europe, autour de mesures cohérentes et réalistes. Il faut aussi contraindre les Britanniques à prendre leurs responsabilités. Les précédents gouvernements ont souvent eu sur ce sujet le verbe haut sans résultats concrets. Je préfère une démarche d’humilité et de pragmatisme, sans promesses ni instrumentalisation politique, mais avec des solutions au bout.
Vous revenez de votre tournée européenne avec des engagements ?
J’ai souhaité que la France soit à l’initiative pour répondre à un problème qui est international. Plus de 100 000 personnes ont migré vers l’Europe via la Méditerranée depuis le début de l’année. Une réponse européenne forte et coordonnée est indispensable. J’ai donc proposé à nos partenaires un plan en trois points : d’abord renforcer la surveillance des frontières extérieures de l’Union Européenne qui permette l’extinction progressive de Mare Nostrum, en faisant monter en puissance une opération européenne de contrôle au plus près des côtes, baptisée Frontex plus. Ensuite faire respecter par tous les Etats membres les règles européennes d’enregistrement des migrants pour une meilleure répartition des demandes d’asile. Enfin améliorer la coopération avec les pays de provenance pour démanteler les filières de l’immigration irrégulière, diminuer les départs et favoriser le développement. En une semaine nous avons obtenu l’accord de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Commission Européenne. C’est un pas décisif.
Avec quel calendrier ?
Je souhaite que l’on aille vite et que Frontex Plus soit opérationnelle dès novembre. J’ai obtenu de la Commission européenne que ce travail commence tout de suite.
Vous allez aussi accélérer le traitement des demandes d’asile mais les migrants de Calais ne veulent pas rester en France…
Pour combattre efficacement le discours cynique des passeurs, les services de l’Etat sont mobilisés afin que ceux qui relèvent de l’asile puissent en bénéficier, et qu’ils soient répartis dans des centres d’accueil partout sur le territoire national. Ensuite nous accentuons le démantèlement des filières à Calais. Nous obtenons des résultats : l’an dernier 203 filières ont été démantelées en France représentant mille interpellations, cette année nous en sommes déjà à 155 filières et près de 1 500 interpellations. Quant aux migrants qui viennent de pays où ils ne sont pas menacés, les reconduites auront lieu. Si on veut une politique d’accueil pour ceux qui en ont besoin, il est normal de ne pas garder en France ceux qui ne relèvent ni de l’asile ni des voies d’immigration légale. »
En attendant que proposez-vous pour répondre à la situation d’urgence humanitaire à Calais ?
La première mesure est d’organiser un accueil de jour pour les migrants, qui évitera l’errance de ces personnes dans le centre de Calais et leur apportera l’aide humanitaire d’urgence. Je souhaite aussi des solutions d’hébergement pour les personnes les plus vulnérables. En revanche, je ne veux pas reconstituer un nouveau Sangatte, qui provoquerait un nouvel afflux.
Qu’avez-vous demandé aux Britanniques qui nous laissent gérer l’afflux vers leurs côtes !
J’ai demandé fermement trois choses à nos amis Britanniques : une coopération renforcée pour le démantèlement des filières, qu’ils soient davantage présents à Calais pour dissiper les mythes sur l’eldorado anglais, et enfin qu’ils participent à la sécurisation du port et aux actions humanitaires.
Quand viendrez-vous à Calais ?
Je viendrai avant la fin de l’année. Je ne veux pas venir pour promettre mais pour constater avec les élus et les Calaisiens les actions engagées.
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