Calais : la mairie veut interdire aux migrants de jouer à la Citadelle
15 septembre 2014 - La Voix du Nord - Marie Goudeseune
Plusieurs migrants et leurs soutiens se sont réunis dimanche à la Citadelle pour jouer au foot, comme ils le font presque chaque semaine. Mais des élus sont intervenus pour leur demander de partir...
Leur présence n’avait jusqu’ici pas posé de problème. La preuve, peut-être, c’est que le premier adjoint Emmanuel Agius n’était même pas au courant qu’ils jouaient là depuis plusieurs années ! L’équipe de football des migrants, menée par le Calaisien Jérémie Jacquemin - fervent défenseur des exilés - a reçu dimanche la visite de plusieurs élus qui leur ont demandé de partir, alors qu’ils étaient en train de jouer au football sur l’ancien terrain de rugby de la Citadelle.
Motif : pour pouvoir jouer sur ce terrain, il faut avoir l’autorisation de la mairie. Le concierge est intervenu le premier, suivi de Philippe Mignonet, adjoint à la sécurité et de l’adjoint Gérard Grenat, qui était ce jour-là élu d’astreinte. Mais ce n’est pas tout : la police nationale s’est également déplacée ainsi qu’un huissier de justice venu constater les choses. Le premier adjoint Emmanuel Agius était là aussi.
Il y avait ce dimanche-là une soixantaine de migrants répartis en équipes et occupés à jouer au foot, ainsi que plusieurs Calaisiens qui les accompagnaient, et qui ont refusé de quitter les lieux. « Depuis toujours, les familles et les jeunes viennent jouer à la Citadelle, a réagi hier Marie-Pierre, une Calaisienne qui était là dimanche. De quel droit nous empêche-t-on de jouer ? On ne nous a même pas montré de réglementation disant qu’on n’a pas le droit d’être là ! » Jérémie Jacquemin affirme quant à lui que l’équipe des migrants « n’a jamais fait d’ombre à aucun club. Nous avons toujours respecté le SOC (l’équipe de handball, ndlr) et l’équipe de football américain, et à chaque fois que le concierge nous a demandé des choses, nous avons respecté ces décisions. » L’équipe vient s’entraîner là depuis plus de deux ans, avec l’idée de créer du lien et de faire tomber les barrières. Pas sûr qu’on la laisse revenir la semaine prochaine.
Il y a ceux qui ont le droit, et ceux qui n’ont pas le droit
Il y a ceux qui ont le droit, et ceux qui n’ont pas le droit. Par exemple, pour Emmanuel Agius, un « enfant de 10 ans » a le droit de jouer au ballon à la Citadelle. Mais « des migrants en train de jouer avec des No Border, en masse, sans prévenir », ça non.
Il y a un immense parc, à Lyon, qui s’appelle le parc de la Tête d’Or. Là-bas, le week-end, les familles se retrouvent et jouent au foot sur l’herbe, un peu partout. Elles en ont le droit... et c’est vraiment sympa. On a fait cette remarque à Emmanuel Agius, hier, parce que le parc de la Tête d’Or est un lieu public, un peu comme la Citadelle. « Mais chère Madame, nous a répondu l’élu, à Lyon ils font ce qu’ils veulent ! » Et à Calais ?
À Calais, si l’on ne fait pas partie d’un club, à moins d’être « un enfant de 10 ans » ou d’avoir les faveurs de Madame la Maire, on n’a pas le droit de jouer au ballon (depuis dimanche en tout cas !). Oui, il paraît même que c’est comme ça « partout à Calais ».
On peut « déambuler », en revanche, nous rassure Emmanuel Agius. Déambuler, mais pas se regrouper : n’oublions pas qu’un arrêté anti-regroupement a été pris il y a quelques semaines ! On a le droit donc de déambuler dans la ville. Et si l’on a vraiment envie de jouer au football, alors il faut avoir 10 ans. Ou demander l’autorisation à la mairie. « C’est la moindre des choses », répète le premier adjoint. Le problème, c’est que les migrants qui veulent jouer au foot n’ont en général pas 10 ans. Et qu’ils sont toujours accompagnés de leurs amis, ceux qu’Emmanuel Agius qualifie à l’envi de « hors-la-loi », d’« ennemis », de « repris de justice », de « No border ». Bref, on doute fort, à l’entendre, que « ces gens-là » obtiennent un jour les faveurs de la municipalité !
« Ils n’ont pas le droit de rester là »
Emmanuel Agius est le premier adjoint de Natacha Bouchart. Il n’avait jamais remarqué, dit-il, que les migrants et leurs soutiens se réunissaient à la Citadelle pour jouer au foot chaque week-end. Selon lui, ils n’en ont tout simplement « pas le droit ».
Pourquoi êtes-vous intervenu dimanche à la Citadelle ?
« Parce que ces gens ne peuvent pas aller en masse, comme ça, sans prévenir, jouer sur ce terrain réservé aux entraînement de foot et de rugby. Les migrants étaient en train de jouer pendant que des No Border étaient assis et applaudissaient leurs performances. Je leur ai rappelé leurs droits. Un huissier est d’ailleurs passer faire un constat. Quand nous sommes revenus vers 17 h 30, ils étaient partis. »
En quoi n’ont-ils pas le droit de jouer sur ce terrain ?
« C’est un terrain d’entraînement : ils doivent demander une autorisation pour pouvoir y jouer et c’est la maire qui décide de leur autoriser ou non. On ne joue sur ce terrain que si on fait partie d’un club sportif, d’une association ou si on a l’autorisation. »
Cela fait au moins deux ans que ces matchs ont lieu. Et jusqu’ici, personne ne s’y était opposé...
« Peut-être que nous n’avons pas été assez vigilants. Mais ce n’est pas parce qu’un million de personnes fait une connerie que ça n’est pas une connerie. J’ai été mis au courant dimanche, et quand j’ai vu que c’était un groupe de No Borders qui organisait ce genre de choses, je me suis dit qu’on ne pouvait pas laisser passer ça. C’est une question de principe. Le dimanche précédent déjà, ils voulaient organiser leur petite sauterie à la Citadelle, avec un barbecue et de la musique ! »
Y a-t-il d’autres endroits où ils pourraient jouer au football ?
« On peut déambuler dans les lieux publics, mais pour le reste, il faut demander une autorisation à la mairie. On ne joue pas au ballon dans les parcs, en tout cas pas de cette façon ! S’ils demandent l’autorisation, la maire en décidera. Moi en tout cas, je ne donnerais pas d’avis favorable aux No Border : ces repris de justice sont clairement mes ennemis. »
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