Centre pour migrants au camp Jules-Ferry à Calais : ce qu’en pensent les riverains
23 août 2014 - La Voix du Nord - Dominique Salomez
Vendredi, la sénatrice-maire Natacha Bouchart a annoncé dans nos colonnes qu’elle proposera la création d’un centre d’accueil pour migrants au ministre de l’Intérieur, qu’elle doit rencontrer le 2 septembre. Parmi les lieux qui pourraient accueillir ce centre, figurent l’espace de loisirs Jules-Ferry, situé chemin des Dunes, perpendiculaire à la route de Gravelines. C’est là que nous avons rencontré des riverains pour connaître leur avis sur la création de ce centre et sa possible implantation.
Que pensez-vous de la volonté de la maire de Calais de créer un centre pour migrants ? L’espace de loisirs Jules-Ferry, évoqué par les bénévoles d’associations, vous paraît-il un lieu adéquat ? Ce sont les questions que nous avons posées à des riverains de la route de Gravelines, proche du centre Jules-Ferry. Comme souvent sur la question des migrants, les avis sont tiraillés entre altruisme et besoin personnel de vivre dans la quiétude. L’impression d’être dans l’impasse domine aussi.
« Ça ne changera rien de faire un centre. Les gens continueront de passer par ici et ils seront peut-être plus nombreux s’il y avait un centre. Tout ce qui va se passer c’est qu’on va faire un nouveau Sangatte. On vit ici depuis un an, on se sent en insécurité. S’il fallait signer un courrier contre, on le ferait », explique Laurent, qui habite route de Gravelines avec sa femme et ses enfants.
À deux pas, Gérald Aucoin a un avis radicalement différent. « Ce serait bien ce centre, on ne peut pas laisser les gens comme ça, il faut essayer de faire quelque chose. On ne peut pas les laisser dormir dans les bois », explique le riverain qui habite là depuis vingt ans. Lui, imaginerait bien le local qui accueillait par le passé les vestiaires du Secours Catholique route de Saint-Omer, en direction des Attaques.
Blandine et Pascal Zielonka habitent eux plus près du centre Jules-Ferry et saluent le projet. « C’est bien s’il y a une création de centre. Ce sont des humains. Je trouve aussi qu’il faut que l’État aide Calais, ce serait bien qu’il prenne en charge ce projet (comme proposé par Natacha Bouchart). Si c’était à Jules-Ferry, ça ne changerait rien, on vit déjà avec les migrants et on n’a jamais eu d’embêtements. Mais c’est vrai qu’on pense encore à la façon dont ça s’est passé à Sangatte. Ils passaient à travers les maisons… », explique le couple. À deux pas, les voisins expriment leur ras-le-bol : « Il ne faut pas ouvrir un centre. Nous y sommes tout à fait hostiles. La France ne peut pas accueillir toute la misère, il faut que l’Angleterre prenne sa part aussi », explique un couple, qui préfère l’anonymat.
Même avis, pour cette jeune maman de trois enfants : « Je trouverai inquiétant un centre tout près. On n’a jamais eu d’ennui, mais c’est impressionnant ce monde. Je suis un peu partagée. »
La maire de Calais présentera un projet de centre d’une capacité de 400 places au ministre Bernard Cazeneuve, le 2 septembre. D’autres lieux ont été proposés par des élus locaux, dont l’ancien hoverport. Natacha Bouchart dévoilera la semaine prochaine le lieu qu’elle imagine pour ce projet.
Pourquoi un tel afflux de migrants aujourd’hui ?
D’où viennent les migrants qui affluent en France et à Calais ? Pour quelles raisons ? Voici un question-réponse pour mieux comprendre la situation de ces hommes et de ces femmes qui arpentent le littoral dans l’espoir d’un passage vers un ailleurs.
Qui sont ces migrants ?
Ils viennent essentiellement de zones de conflits ou d’États répressifs. D’abord les Syriens qui fuient la guerre et les Érythréens qui veulent échapper à la dictature et au travail forcé auquel ils sont astreints à partir de 18 ans.
Il y a aussi des Maliens, des Soudanais, des Afghans, des Somaliens…
La répression en Érythrée ou l’absence d’État en Somalie sont des phénomènes de longue date. La guerre en Syrie a débuté il y a trois ans. Pourquoi y a-t-il un afflux maintenant ?
Jusqu’à présent une partie des migrants trouvaient refuge dans des pays non Européens, où ils ne peuvent désormais plus vivre. Ainsi, Israël, où vivent environ 60 000 Africains en majorité Érythréens et Soudanais, multiplie les actions pour les encourager à partir. En Égypte, le retour des militaires au pouvoir a marqué un durcissement envers les réfugiés syriens qui, soupçonnés d’être proches des Frères musulmans, finissent parfois en prison. Surtout, le chaos libyen, où des milices rivales se battent pour contrôler le territoire, a favorisé la multiplication des passeurs. L’été est toujours propice aux traversées de la Méditerranée, moins agitée à cette période.
Que représente la France pour ces migrants ?
La France n’est qu’un pays de transit. L’immense majorité de ces exilés veulent rejoindre les pays où sont installés leurs concitoyens. Les Érythréens ou les Somaliens visent l’Angleterre, les Syriens plutôt l’Allemagne ou la Suède. Ainsi, même si les chiffres augmentent, ils sont peu à demander l’asile en France. Seuls 237 Érythréens ont déposé un dossier au premier semestre.
Quelle attitude les autorités peuvent-elles adopter envers ces migrants ?
En vertu du droit international, il est impossible de les renvoyer dans leur pays d’origine, où ils risqueraient de mourir. Le droit européen prévoit que les demandes d’asile doivent se faire dans le pays d’entrée dans l’UE. La France peut donc les renvoyer vers l’Italie quand il est établi qu’ils ont transité sur son sol. À Calais, les autorités ont tenté de convaincre ces migrants de déposer des demandes d’asile, mais peu ont saisi l’opportunité. (AFP)
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