Eric Besson face à des filières clandestines redoutables
2 avril 2009 - Reuters - Estelle Shirbon et Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Les filières d’immigration clandestine sont de plus en plus perfectionnées et les migrants très déterminés, reconnaît Eric Besson, qui est confronté à une recrudescence du nombre
de migrants dans la région de Calais.
Membre d’un gouvernement prompt à accélérer les reconduites à la frontière, le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire défend une France qui chaque année "naturalise 100.000 étrangers" et "accueille 200.000 personnes légalement sur son territoire".
A son arrivée en janvier à la tête de ce ministère très symbolique, ce transfuge du Parti socialiste s’est rendu à Calais, où transitent des milliers de clandestins en partance pour l’Angleterre. Il doit y revenir ce mois-ci pour tenter de répondre à une situation qui s’est beaucoup dégradée, comme il le reconnaît lui-même. "Il y a une sophistication et une professionnalisation des filières avec des gens de plus en plus
déterminés, des étrangers en situation irrégulière prêts à prendre de plus en plus de risques pour passer coûte que coûte", a-t-il déclaré à Reuters lors d’un entretien à son ministère. "De toute évidence, on traverse plus la Manche depuis 12 ou 24 mois, par conséquent ça attire plus de personnes", a-t-il ajouté.
La fermeture du centre de la Croix-Rouge de Sangatte en 2002 sur ordre de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, n’a pas dissuadé les migrants - Irakiens, Afghans et Erythréens pour la plupart
d’envahir les abords du port de Calais dans l’espoir de passer clandestinement en Angleterre.
UN PAYS "MAL FERMÉ" Leur nombre a cru ces dernières semaines, notamment dans un bois surnommé "la jungle", voire "le petit Kaboul". Malgré des conditions de vie extrêmement difficiles, les migrants refusent l’aide fournie
par les autorités, selon Eric Besson. "Tous les soirs l’Etat met entre 25 et 50 lits à disposition avec transport en car gratuit et tous les soirs
ces places sont vides", dit-il. "Ils ne demandent pas l’asile, ni un hébergement : ils veulent rester à proximité du port pour avoir
une chance d’embarquer dans des camions et passer outre-Manche, ce qui reste leur obsession", ajoute le ministre, qui dit respecter la "rationalité" des candidats à l’exil.
Quant au travail des bénévoles, dont certains se sont plaints d’avoir été inquiétés par les autorités, Eric Besson répond que l’Etat leur verse 20 millions d’euros chaque année. En France depuis 65 ans, ajoute-il, la justice n’a condamné que deux fois des bénévoles au service des personnes en situation irrégulière.
A son arrivée au ministère, Eric Besson s’est inscrit dans la lignée de son prédécesseur, Brice Hortefeux, qui a approché les 30.000 reconduites à la frontière en 2008. Lui-même parle de 27.000 pour cette année et préfère avancer d’autres chiffres : "la France accueille
chaque année environ 200.000 personnes légalement sur son territoire. "Si c’est un pays fermé, convenez avec moi qu’il est mal fermé !".
"La France naturalise 100.000 étrangers chaque année, elle a l’une des législations les plus favorables à la naturalisation, puisqu’il faut cinq ans de présence pour pouvoir y prétendre, et le délai le plus court d’Europe en terme de rétention administrative : 32 jours", fait-il valoir.
"MANOEUVRE POLITIQUE" Eric Besson a donné la possibilité aux préfets d’attribuer des titres de séjour aux immigrés clandestins qui dénonceraient leurs passeurs. Une "prime à la délation", disent ses détracteurs, dont il ne souhaite pas donner le résultat avant quelques mois.
Il s’est en revanche montré peu empressé de rédiger le décret d’application sur les tests ADN, qui avait déclenché une polémique à l’automne 2007. Ancien responsable du Parti socialiste, qu’il a quitté en 2007 pour rejoindre Nicolas Sarkozy, Eric Besson est devenu en janvier, à 50 ans, secrétaire général adjoint de l’UMP. Celui que ses détracteurs qualifient de "traître" a été hué lundi lors de l’inauguration de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration, à Paris. Le PS l’a pris pour cible dans de récentes mises en garde contre un recul des libertés depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir. "Il y a de toute évidence une manoeuvre politique à laquelle je ne crois pas, orchestrée par quelques mouvements d’extrême gauche, quelques associations et le Parti socialiste de façon à mon avis
mortifère pour lui", réplique Eric Besson.
A ses yeux, le maigre succès public rencontré par "Le printemps des libertés" du PS le 22 mars au Zénith est "le bide le plus complet que l’on puisse envisager quand on prétend que la France serait
en train de verser dans la dictature". "Un certain nombre d’élus socialistes en ont conscience et les Français, dans leur immense majorité, n’adhèrent pas à cela", assure-t-il.
Avec Pierre Savary à Calais, édité par Yves Clarisse
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