France : le ministre de l’Intérieur balaie les recommandations du Défenseur des droits sur Calais
4 avril 2013 - Amnesty International
Saisi sur la situation des migrants dans le Calaisis, le Défenseur des droits a demandé au ministre de l’Intérieur en novembre 2012 qu’il soit mis fin à certaines pratiques et que la hiérarchie policière, qui ne peut les ignorer, y porte une attention particulière. Le Défenseur recommandait notamment le respect de « la dignité humaine pour tous », « une réflexion pour mettre fin aux pratiques de vérifications successives », « la fin de la pratique consistant à emmener à la déchetterie des biens et dons humanitaires », « des dispositions pour identifier les fonctionnaires de police, notamment l’introduction d’un matricule ».
Dans un courrier du 6 mars 2013, le ministère balaie la plupart des recommandations du Défenseur et les témoignages en déclarant que « les faits évoqués reposent essentiellement sur des déclarations de responsables d’associations rapportant des propos non vérifiables concernant des faits anciens » et « seule une minorité des organisations associées sont effectivement présentes et actives ».
Amnesty International France (AIF) s’inquiète de ce déni exprimé vis-à-vis du travail du Défenseur des droits et des nombreux témoignages d’exilés vivant en grande difficulté dans une très forte précarité et d’acteurs locaux présents courageusement sur le terrain depuis de nombreuses années pour leur venir en aide.
Le ministère semble fermer les yeux sur les allégations répétées de harcèlement des exilés, comme il le fait pour les saisines de notre organisation sur d’autres sujets, le dernier exemple étant la situation des Roms migrants
Le ministère conteste le constat des associations et du Défenseur
Non seulement le ministère doute de la véracité de nombreux témoignages mais, en outre, il affirme que l’administration fait tout pour le bien-être des exilés, et ce à tous les niveaux. Les enquêtes diligentées « n’ont pas permis d’établir des comportements constitutifs de manquements aux règles disciplinaires et déontologiques ». Selon le courrier, « les policiers ont à cœur de mener à bien leur mission dans le respect de la dignité des personnes ». Le ministre lui-même serait « particulièrement attaché au respect de la loi par les agents placés sous son autorité » et se dit « très attentif à la qualité des relations entre les forces de l’ordre et la population » ; les relations entre les services de l’Etat et les responsables associatifs sont, dit-il, « empreintes de compréhension mutuelle ». Il rappelle aussi que les modalités d’évacuation ont fait l’objet d’une concertation avec les associations à l’automne 2012.
Un projet de nouveau code de déontologie
AIF est particulièrement attentive à la recommandation du Défenseur de prendre « des dispositions pour identifier les fonctionnaires de police, notamment l’introduction d’un matricule ». AIF a demandé au ministère la dernière version du projet de code de déontologie de mars 2013. Il nous avait été précisé qu’« un numéro d’identification, individualisé et lisible, sera apposé sur l’uniforme de chaque policier ou gendarme en tenue, et sur le brassard des agents exerçant leurs fonctions en civil ; ce numéro permettra de répondre effectivement à l’objectif recherché, à savoir fournir à nos concitoyens un élément de personnalisation et d’identification de l’agent. »
Ces dernières années, Amnesty International (AI) a, à plusieurs reprises, attiré l’attention du ministère de l’Intérieur sur des violations des droits humains commises par des membres des forces de l’ordre. AI admet que leur tâche est souvent difficile et dangereuse et que la majorité d’entre eux s’acquittent de leurs fonctions dans le respect de la loi. AI ne cesse néanmoins de rappeler que, lorsque des fautes sont commises, il est nécessaire de le reconnaître et de les sanctionner. A défaut, c’est le sentiment d’impunité qui risque de l’emporter et de générer d’autres violations.
Dans la réponse adressée à notre organisation avant l’élection présidentielle, François Hollande s’était engagé à renforcer « l’indépendance, l’impartialité et la transparence » du Défenseur. L’efficacité du Défenseur ne peut cependant que pâtir d’une réponse qui met en cause la qualité et le sérieux de son travail.
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