Le respect du droit des migrants dans les programmes des candidats

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Le respect du droit des migrants dans les programmes des candidats

7 mars 2012 - Mediapart - Les invités

Le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)-Terre Solidaire, qui appelle les candidats à l’élection présidentielle à signer son Pacte pour une Terre solidaire, a expertisé les propositions de la plupart d’entre eux. Mediapart publie le troisième volet de cette étude, sur le respect du droit des migrants. Retrouvez ici le premier volet sur la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, et le second concernant la lutte contre l’impunité des multinationales.

Le CCFD-Terre solidaire propose de construire une politique migratoire qui soit davantage respectueuse des droits des migrants et des intérêts des pays d’origine. Pour atteindre cet objectif, il propose :

- de renégocier des accords de circulation et d’installation sur une base juste, équitable et transparente
- de ratifier la convention des Nations Unies pour la protection des droits des travailleurs migrants et leurs familles
- d’encourager la construction d’espaces de concertation internationale pour construire une gouvernance multilatérale des migrations.

François Bayrou

  • Ce qu’il dit :
    (Sources : Projet Modem – Projet Humaniste ; Projet François Bayrou – 20 propositions (1er février 2012)

"Humaniser la politique d’immigration : la France se doit d’être fidèle à sa tradition de terre d’accueil, notamment à l’égard des réfugiés politiques, mais elle se doit également de veiller à une immigration équilibrée qui ne déstabilise pas la société française et qui ne prive pas de ses forces vives les pays d’origine. Une politique d’immigration maîtrisée ne peut se faire qu’en coopération avec les pays d’origine, et en accordant une attention particulière à ceux qui fuient la pauvreté de leur pays.

Il est grand temps par ailleurs que l’immigration devienne une politique européenne qui harmonise pleinement les droits sur le territoire de l’Union. Dans ce cadre, nous voulons la mise en place d’une carte européenne de séjour et de travail (“blue card”), sur le modèle de la “green card” américaine. Le droit d’asile doit être harmonisé et coordonné au niveau européen, seule voie possible pour garantir son effectivité tout en évitant l’apparition de situations inhumaines comme celle des réfugiés afghans à Calais. [… ]

La politique de développement européenne doit être articulée avec une régulation souple des circulations de personnes de biens et de capitaux avec les pays en voie de développement. Le retour au pays des immigrés doit être favorisé par exemple en mettant en place des dispositifs de financements de projets locaux dans les pays d’origine en lien avec les flux financiers provenant des travailleurs immigrés. […]

Nous voulons humaniser les conditions du retour des clandestins dans leur pays d’origine et rappelons le caractère totalement inadmissible du renvoi d’immigrés en situation irrégulière vers leur pays d’origine lorsque cela présente des risques avérés à l’égard de leur intégrité physique ou de celle de leurs proches." (Projet humaniste, extraits de la p.36)

  • L’analyse du CCFD

François Bayrou n’a pas encore exprimé formellement ses positions de candidat concernant les migrations.
Le projet du Modem ne pointe pas la question des accords de gestion concertée en tant que telle, mais met en avant la question des migrations sous l’angle de la nécessaire coopération Nord-Sud et de la dimension européenne. Il défend une approche européenne de la question : « blue card » et droit d’asile harmonisé.
Au plan de la coopération Nord-Sud, il ne précise pas les mesures concrètes à mettre en œuvre pour appliquer cette coopération renouvelée.

Nicolas Dupont Aignan

  • Ce qu’il dit :
    (Source : projet présidentiel de Nicolas Dupont Aignan, 37 propositions pour une France libre)

« Rétablir les frontières nationales. Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, la frontière est une valeur positive, un symbole de tolérance. Aujourd’hui, les "sans-frontiéristes" sont les alliés objectifs du capitalisme le plus sauvage, celui qui se sert de la main-d’œuvre immigrée pour peser à la baisse sur les salaires des Français et des étrangers réguliers. Ceux qui prônent l’abolition des frontières nationales font donc le jeu du nivellement économique et social par le bas, et favorisent la loi du plus fort. Il faut bien évidemment au contraire protéger nos frontières pour défendre notre modèle social et environnemental, et en finir avec la pensée unique "sans-frontiériste" qui fait le jeu de la haine et du racisme. Seul l’arrêt de l’immigration de masse pourra donc garantir le retour de la paix sociale dans notre pays. Le climat économique rend en outre plus difficile l’intégration des Français "récents" du fait du chômage de masse. Pour faciliter leur assimilation, je propose donc de rétablir le contrôle à nos frontières afin de réduire de 50 % le nombre d’immigrants pour le prochain mandat (hors étudiants et regroupement familial). Surtout, je souhaite mettre en œuvre une véritable tolérance zéro à l’égard de l’immigration clandestine aujourd’hui facilitée aux frontières nationales comme européennes. » (projet présidentiel p.8)

  • L’analyse du CCFD

Nicolas Dupont Aignant fonde son approche des migrations sur l’idée que la France serait aujourd’hui victime d’une « immigration de masse ». Or, la France connaît un taux immigration parfaitement stable depuis des décennies (environ 10,2 %), taux inférieur à la plupart de nos pays voisins européens.

Le candidat de Debout la République considère que les immigrés seraient trop nombreux pour s’intégrer et responsables du manque de paix sociale, alors même que des études sociologiques très sérieuses démontrent que c’est bien le manque de politique d’intégration (politiques de la ville, de l’éducation, etc.) qui a limité une intégration véritable et réussie. En outre, il utilise le terme d’« assimilation », terme très marqué historiquement.

François Hollande

  • Ce qu’il dit :
    (Sources : projet présidentiel de François Hollande, « Mes 60 engagements pour la France » ; Projet socialiste « Le changement », version avril 2011 ; Projet socialiste « Le changement », version décembre 2011)

« J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration illégale et les filières du travail clandestin. Je sécuriserai l’immigration légale. Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs. » (projet présidentiel – les 60 propositions, p.33)

« Les moyens d’une politique migratoire maîtrisée doivent faire l’objet d’une concertation avec nos partenaires européens mais aussi avec les pays d’origine » (projet socialiste, p.41)

« parce qu’il n’y a, pour la France comme pour aucun État membre, de politique efficace hors l’Europe, nous agirons pour une vraie coordination européenne et une coopération avec les pays d’émigration. » (projet socialiste, p.41)

« Nous inscrirons dans la loi les axes de notre politique d’immigration : annulation de l’arsenal des accords inefficaces de gestion concertée des flux migratoires mis en place la droite » (projet socialiste, avril 2011, p.29)

  • L’analyse du CCFD

Sur la question des migrations, François Hollande met en avant dans son programme le droit de vote aux élections locales. Sa proposition, contrairement au projet de loi adopté en décembre 2011 au Sénat, ne mentionne pas la question de l’éligibilité.
Le candidat du PS n’indique pas dans son programme vouloir revenir sur les lois sécuritaires votées et mises en place ces dernières années, ni sur les accords de gestion concertée avec les pays d’origine.
Il ne fait à aucun moment mention de la dimension internationale de cette question.

Globalement, son programme est en recul par rapport au projet du Parti Socialiste sur ce sujet, qui aborde la dimension internationale et européenne, et prévoit l’annulation des accords de gestion concertée.

Eva Joly

  • Ce qu’elle dit :
    (Sources :« L’écologie, la solution. Le projet présidentiel d’Eva Joly » ; Programme d’action d’Europe Ecologie Les Verts – Vivre mieux)

« L’obsession gouvernementale des objectifs chiffrés d’expulsion, de la diminution de l’immigration régulière et du nombre de naturalisations doit cesser. Le respect des droits des étranger(e)s est un baromètre de notre santé démocratique. À cette fin, la France doit renouer avec son aspiration, celle du pays des droits humains, celle d’une terre d’accueil, de mobilité et d’enrichissement mutuel.
- Les questions migratoires ne seront plus dépendantes du ministère de l’Intérieur. Les ministères de la Justice, des Affaires étrangères, de l’Emploi et des Affaires sociales auront ensemble compétence sur les questions de l’asile, de l’immigration et des naturalisations. Les droits à vivre en famille, à la vie privée et aux soins médicaux seront pleinement respectés, comme le prévoient les principes généraux du droit français et les conventions internationales ratifiées par notre pays.
- Il sera mis fin à l’arbitraire de la régularisation des sans papiers par le recours à des critères objectifs tels que la présence sur le territoire depuis plus de 5 ans, la scolarisation d’un enfant ou encore le fait d’avoir un travail.
- Le placement en centre de rétention ne sera plus la règle mais l’exception. Il aura lieu seulement en cas de menace à l’ordre public ou de fort soupçon de délit de fuite. Les enfants, femmes enceintes, et personnes vulnérables ne devront en aucun cas y être assignées. Les pouvoirs d’intervention et de contrôle des associations dans les centres de rétention seront étendus.
- Les nombreux obstacles financiers et administratifs imposés aux étudiant(e)s étranger(e)s seront levés. Leurs premières expériences professionnelles en France seront favorisées.
- Le droit de vote sera accordé aux étranger(e)s non communautaires qui résident depuis 5 ans en France. La liste des emplois dont sont exclus les étranger(e)s sera réduite suivant les préconisations de la HALDE. » (programme présidentiel p. 40-41)

  • L’analyse du CCFD

Eva Joly pointe du doigt la politique d’affichage et les pratiques visant à stigmatiser les immigrés et souhaite valoriser une approche plus apaisée et plus positive des migrations. Elle propose la fin d’une politique strictement sécuritaire (cessation des objectifs chiffrés, limitation du rôle du ministère de l’Intérieur et affaiblissement des centres de rétention, etc.) et choisit d’aborder la question des migrations davantage sous l’angle de la politique d’insertion et d’intégration des immigrés (régularisation facilitée, regroupement familial facilité, droit de vote, démarches administratives facilitées, etc.). Le rôle de contrôle et de témoin des acteurs de société civile dans les centres de rétention est mentionné.

Eva Joly aborde la question sous un prisme strictement français et met de côté la nécessité d’une approche multilatérale et mondiale des migrations, approche qui était à l’origine très présente dans le projet du parti d’EELV et qui réaffirmait une vision mondiale et une « politique d’immigration permettant une autre approche des rapports Nord-Sud » (avec par exemple la ratification de la convention des Nations Unies.)

Jean-Luc Mélenchon

  • Ce qu’il dit :
    (Source : programme du Front de gauche et de son candidat commun Jean-Luc Mélenchon – L’humain d’abord)

« L’immigration n’est pas un problème. La haine des étrangers, la chasse aux immigrés défigurent notre République : il faut en finir ! Les flux migratoires se développent dans le monde, ils mêlent des motivations diverses. La France ne doit pas les craindre, elle ne doit pas mépriser l’immense apport humain et matériel qu’ils lui ont déjà apporté. Non, la présence des immigrés en France n’est pas un problème. L’immigration zéro est un mythe qui divise et affaiblit notre pays. Même s’ils seront peut-être moins importants que dans le passé, la France continuera à connaître comme tous les pays du monde des flux migratoires. Il faut donc mener des politiques refusant de ghettoïser la société ou guidées par l’obsession du refoulement des étrangers. Nous rétablirons la carte unique de 10 ans et le droit au regroupement familial, condition d’une vie digne. Nous abrogerons les lois successives sur l’immigration adoptées par la droite depuis 2002 et nous procéderons à une refonte du CESEDA. Nous régulariserons les sans-papiers dont le nombre a augmenté du seul fait des réformes de la droite. Nous décriminaliserons le séjour irrégulier, nous fermerons les centres de rétention, nous rétablirons le droit au séjour pour raison médicale. Nous respecterons scrupuleusement le droit d’asile qui sera déconnecté des politiques migratoires.

Notre vision de l’avenir de la France nous permet de dire clairement que nous établirons un nouveau code de la nationalité, fondé sur le respect intégral et automatique du droit du sol dès la naissance et sur un droit à la naturalisation facilité (en permettant à tous les étrangers qui le souhaitent d’acquérir la nationalité française au-delà de 5 ans de résidence).

La lutte contre toutes les discriminations. Nous agirons fermement contre les discriminations à l’encontre des salariés étrangers. La violation des droits sociaux des travailleurs étrangers, dont sont notamment victimes les sans-papiers, fragilise l’ensemble des travailleurs et leurs droits sociaux. » (programme du Front de Gauche, p.8)

  • L’analyse du CCFD

Jean Luc Mélenchon et le Front de gauche dénoncent l’approche des migrations comme « problème » et contestent le mythe selon lequel il serait possible et bénéfique d’empêcher toute immigration. Il est en effet démontré que la France a et va avoir besoin d’immigration tant au plan économique que démographique.

Le Front de Gauche souhaite mettre fin de manière ferme à la politique actuelle de fermeture des frontières (fermeture des centres de rétention, abrogation des dernières législations migratoires) et souhaite prendre des mesures pour faciliter le séjour des immigrés (régularisation, refonte du code de la nationalité). Un fort accent est mis sur la lutte contre les discriminations avec la restauration de Haute autorité de lutte contre les discriminations. Le programme ne fait à aucun moment mention de la dimension « internationale » des migrations et de la nécessité d’une gouvernance multilatérale, par exemple, avec l’abrogation des accords de gestion concertée signés avec les pays du Sud depuis 2007, mesure qui serait pourtant en cohérence avec ses propositions d’abrogation des dernières lois migratoires adoptées depuis 2002.

Dominique de Villepin

Dominique de Villepin ne fait à aucun moment mention de la question dans ses propositions.

Nicolas Sarkozy

  • Ce qu’il dit :
    (Source : Projet 2012 UMP – Protéger et préparer l’avenir des enfants de France ; Interview au Figaro Magazine, du 11 février 2012)

« Je ne suis pas favorable à la régularisation des étrangers en situation irrégulière qui créerait immédiatement un appel d’air... »
« Je pense que la juridiction administrative devrait être seule compétente en matière d’immigration. »
« Je propose que, désormais, les titres de séjour obtenus par le mariage avec un Français (plus de 25.000 chaque année) soient soumis aux mêmes conditions de logement et de ressources. Ainsi nous combattrons plus efficacement les fraudes. » « Enfin, nous allons réformer les prestations accordées aux demandeurs de droit d’asile. Elles seront limitées quand le demandeur ne coopérera pas avec l’administration, quand il déposera sa demande plus de trois mois après son entrée sur le territoire, ou quand il refusera une offre d’hébergement. »

Proposition d’une réforme de la constitution, avec possibilité d’un référendum sur le droit des étrangers. (interview au Figaro magazine le 10 février 2012)

« Renforcer la maîtrise des flux migratoires, mobiliser le cadre national et européen. Nous souhaitons durcir les conditions du regroupement familial. En particulier, nous voulons que la délivrance des titres de séjour soit conditionnée strictement à l’entrée légale sur le territoire. Et nous souhaitons aligner les conditions de ressources et de logement du rapprochement familial sur celles existant pour le regroupement familial. Nous continuerons également à réformer le droit d’asile. La réforme des procédures d’examen des demandes d’asile doit permettre de rendre des décisions plus justes et plus rapides (moins d’un an maximum) et doit nous rapprocher des dispositifs de nos partenaires européens. Pour ce qui est des opérations de reconduites à la frontière, nous proposons de renforcer les capacités des centres de rétention administrative et de conditionner le nombre de visas délivrés et l’aide au développement pour les pays d’origine, en fonction de leur coopération pour le retour de leurs ressortissants immigrés illégaux. L’aide médicale d’État (AME) pour les étrangers en situation irrégulière sera mieux contrôlée et recentrée sur les situations d’urgence sanitaire et sur les risques épidémiques. Enfin, nous souhaitons mieux contrôler les frontières de l’espace Schengen : un État qui ne respecterait pas ses obligations serait sanctionné. Sa participation pourrait être suspendue, sans remettre en cause le fonctionnement du reste de l’espace Schengen. » (programme de l’UMP, p.15)

  • L’analyse du CCFD

Nicolas Sarkozy souhaite continuer et renforcer sa politique de fermeture des frontières. Il reprend le programme de l’UMP quand il revient sur le droit fondamental de « vivre en famille » en durcissant et en conditionnant le regroupement familial. Il franchit une étape de plus en pointant du doigt les mariages mixtes.
Le candidat de l’UMP souhaite renforcer le rôle des centres de rétention pour faciliter les expulsions, ainsi que le conditionnement de l’aide au développement au contrôle des flux migratoires.
Nicolas Sarkozy, qui s’était déclaré favorable au droit de vote étrangers aux élections locales, renonce à cette mesure.
Dans son interview au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy parle de la possibilité d’un référendum afin de réformer la constitution pour donner les pleins pouvoirs aux préfectures en matière de migration et reformer le droit des étrangers.

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