Les sans-papiers paieront pour être soignés

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Les sans-papiers paieront pour être soignés

4 novembre 2010 - Nord Littoral - A. TH.

Jusqu’à présent, toute personne présente sur le territoire national pouvait avoir accès aux soins médicaux. La réforme de l’aide médicale d’État a été votée mardi par l’Assemblée nationale.

Les sans-papiers qui voudront être soignés devront s’acquitter d’une cotisation de 30 euros.
Le durcissement de la politique menée par le gouvernement se poursuit à l’égard des populations immigrées et plus généralement des laissés pour compte. L’Assemblée nationale a restreint mardi l’accès à l’aide médicale d’État (AME), les députés UMP instaurant notamment un droit d’entrée de 30 euros (NL du 11/09/2010). Cette AME permet la prise en charge des soins des étrangers sans papiers et sans ressources à condition qu’ils justifient d’au moins trois mois de présence en France. « L’AME est vraiment pour les plus pauvres, résume le D r Martine Devries, de Médecins du monde (NL du 11/09/10). Demander aux bénéficiaires de payer l’AME c’est taxer les plus pauvres des plus pauvres. » C’est en effet l’un des paradoxes de cette réforme : faire payer des personnes qui sont sans aucune ressource.

« Taxer les plus pauvres des pauvres »

En 2009, l’AME a bénéficié à 215 000 personnes aux ressources inférieures à 634 euros par mois, et a coûté 546 millions d’euros. Son budget a augmenté de 15 % en un an. Le député de la majorité Dominique Tian estime que le « coût dérape » et que le dispositif est « très largement fraudé ». Ce que conteste Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, alléguant qu’il n’y a « pas de dérive financière de l’AME » et que « les fraudes ne sont pas majoritaires (...) Le coût global évolue de la même façon que les dépenses de santé ». Le Dr Martine Devries avance une autre explication à cette augmentation : « Les déboutés du droit d’asile sont de plus en plus nombreux. Leur nombre a augmenté de 20 %.
Tant que leur demande est étudiée par une préfecture, ils bénéficient de la CMU. Dès lors qu’ils sont déboutés, ils n’y ont plus droit et sont éligibles à l’AME. » La réforme de l’AME a été votée dans le cadre de l’examen en première lecture des crédits Santé du projet de loi de finances 2011. Le montant du budget de l’AME s’établit à 588 millions d’euros pour 2011. Selon Roselyne Bachelot cette mesure devrait permettre de couvrir « les frais d’ouverture du dossier et la fabrication de la carte sécurisée ».

« Une réforme injuste, onéreuse et dangereuse pour la santé publique »

N’en reste pas moins le coût de cette cotisation annuelle. Le forfait de 30 euros revient à « écarter une partie de ces personnes de l’accès aux soins », déplore Marisol Touraine (PS). Médecins du monde considère en effet que 80 % des sans-papiers négligent leur santé. C’était l’argument du Dr Martine Devries : la gratuité de l’AME est un devoir de solidarité. « Les bénéficiaires de l’AME ne sont pas les travailleurs sans-papiers qui eux, même s’ils sont en situation illégale sur le territoire, paient des cotisations et ont droit à la CMU, expliquait-elle. Les bénéficiaires de l’AME n’ont rien. Alors quand ils vont chez le médecin, ce n’est pas pour de la chirurgie esthétique ! C’est pour leur survie. Alors c’est évidemment un devoir de solidarité. Mais c’est aussi une nécessité économique et de santé publique. »

Et la santé publique ?

Présidente du Parti Chrétien démocrate, Christine Boutin déplore quant à elle une série de restrictions qui « n’est pas acceptable », précisant : « On ne se rend pas compte qu’en prenant une telle mesure c’est la santé publique en général que nous fragilisons. » Ce que confirme le Dr Martine Devries : « Trois arguments démontrent la nécessité de cette AME et les effets néfastes de cette réforme qui se révélera dangereuse en terme de santé publique, économiquement catastrophique et socialement injuste et discriminatoire. Laisser cette AME gratuite est en réalité un devoir de gestion rationnelle d’accès aux soins puisqu’il coûte moins cher de prendre en charge une pathologie de bonne heure qu’à un stade avancé, et un devoir de santé publique car on ne peut pas laisser impunément une personne souffrant d’une maladie infectieuse parmi la collectivité. Au-delà de l’altruisme, la solidarité c’est aussi penser à soi : nous faisons tous partie d’une chaîne et si un maillon casse, c’est tout le monde qui se casse la gueule. »

Vingt à trente bénéficiaires calaisiens

Calais ayant la chance de disposer d’une permanence d’accès aux soins (Pass), la ville compte peu de personnes éligibles à l’AME. « Il s’agit de migrants qui veulent passer mais n’y parviennent pas et sont présents depuis trois mois, ou des gens qui ont décidé de rester mais ont été déboutés du droit d’asile ou sont en attente d’un récépissé de leur demande, décrit le Dr Martine Devries. Alors c’est vrai, il y a une Pass à Calais, mais quand on est là depuis plusieurs mois, qu’on commence à s’installer, peut-être avec quelqu’un dans un logement... on n’a pas forcément envie de retourner faire la queue à la Pass. De plus, la Pass est quand même engorgée. Et puis il n’y a pas que Calais. Boulogne, Dunkerque ou Saint-Omer n’ont pas de Pass. Les personnes qui n’ont pas l’AME ou qui ne pourront pas la payer iront aux urgences des hôpitaux. » Vingt ou trente personnes bénéficieraient de l’AME à Calais.

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