Mineurs isolés étrangers : "C’est la solitude qui prime dans leur situation"
10 mai 2010 - L’Express - Anne Vidalie
Isabelle Debré, sénatrice UMP, a remis ce lundi son rapport sur ces jeunes qui arrivent seuls aux frontières françaises. Le détail de ses recommandations.
La sénatrice (UMP) Isabelle Debré les appelle "mineurs isolés étrangers", pas "mineurs étrangers isolés", leur appellation officielle. "C’est la solitude qui prime dans leur situation", souligne-t-elle. Ce lundi 10 mai, elle a remis au garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, son rapport sur ces jeunes qui arrivent seuls aux frontières françaises. Maîtres-mots de son travail : "Pragmatisme et humanité", affirme-t-elle.
Quelles sont vos principales recommandations ?
Je demande la création d’une plateforme interministérielle qui serait confiée à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui se trouverait ainsi replacée au cœur du dispositif. Cette plateforme constituerait une sorte de "guichet unique" pour l’ensemble des acteurs de terrain.
Je souhaite également que, au sein du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, un fonds spécifique d’intervention soit réservé aux départements concernés plus que d’autres par cette problématique, comme les départements d’Ile-de-France, bien sûr, mais aussi l’Ariège. Il serait abondé par les deniers publics et par des fonds européens. C’est une question d’équité.
Il m’apparaît souhaitable, aussi, que les administrateurs ad hoc [NDLR : désignés par le procureur de la République pour représenter les mineurs dans les procédures administratives et juridictionnelles] puissent accompagner les enfants jusqu’à leurs lieux d’accueil. Au sujet de ces administrateurs, Michèle Alliot-Marie a insisté sur leur formation qui pourrait être assurée par l’Ecole nationale de la PJJ, comme celle des acteurs locaux et des travailleurs sociaux qui prennent en charge ces mineurs.
En quoi votre rapport se démarque-t-il de celui d’Eric Besson, nourri, lui, par les réflexions d’un groupe de travail interministériel ?
Nos rapports sont différents et complémentaires. Le groupe Besson, qui a choisi une approche technique, s’est beaucoup intéressé aux zones d’attente et à la police des frontières. Mon travail est davantage pragmatique. Je me suis rendue sur le terrain, à la rencontre des acteurs : à Mayotte, à Calais, à Fleury-Mérogis, dans la zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, dans des lieux d’accueil gérés par des associations. J’ai aussi auditionné Eric Besson et son cabinet. A vrai dire, je n’ai pas lu l’intégralité du rapport Besson pour ne pas être influencée. Je vais le faire maintenant.
A combien évaluez-vous le nombre de mineurs isolés ?
Il est très difficile d’avancer des chiffres précis. L’établissement de statistiques fiables, pourrait, d’ailleurs, être confiée à la plateforme dont je propose la mise en place.
On évalue entre 6000 et 8000 le nombre de mineurs isolés étrangers vivant en France. Et ils seraient environ 1500 à arriver chaque année. Mais ces chiffres recouvrent des réalités très différentes. Il y a ceux qui traversent le territoire national pour rejoindre la Grande-Bretagne, comme le font souvent les Afghans ; ceux qui cherchent ici une vie meilleure, veulent aller à l’école, faire des études ; ceux, enfin, qui sont exploités au sein de réseaux mafieux. C’est souvent le cas des jeunes Roms, pourtant "accompagnés" à leur arrivée.
Je voudrais que le regard change sur ces mineurs isolés.
Contrairement à certaines idées reçues, leur taux de délinquance est très faible.
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