Polonais, Afghans ou Erythréens, SDF échoués sous le métro aérien de Paris
12 août 2011 - AFP - Boniface Murutampunzi
PARIS — Ils rêvaient d’un eldorado en France et ont échoué sous le métro aérien : des Polonais, Afghans ou Erythréens sont de plus en plus nombreux à camper sur les boulevards du nord-est de Paris, en pleine crise du secteur de l’hébergement d’urgence.
"On vit ici dans des conditions épouvantables, c’est dingue ! C’est la France, un grand pays de liberté et de fraternité, mais j’ai l’impression d’être abandonné sur une île", s’insurge Sharifi Mohammed Samir en montrant la vingtaine de tentes dressées sur un terrain de basket-ball sous la ligne 2 du métro aérien, boulevard de la Villette (XIXe arrondissement).
Quelque 60 migrants afghans survivent dans ce mini-campement de fortune : ils s’entassent à "deux par tente" ou dorment sur des matelas jetés sur le trottoir, raconte cet ancien interprète pour l’armée américaine à Kandahar. Dans cette région méridionale de l’Afghanistan, Sharifi Mohammed Samir se rappelle qu’il gagnait très bien sa vie, mais dit qu’il n’en "pouvai(t) plus de la guerre et des talibans".
Afghan lui aussi, Habibullah Haji se lamente de "ne pas pouvoir dormir avec le bruit" du métro et de la circulation. "Même les prisonniers de Guantanamo sont mieux traités", pense cet ex-soldat de l’armée afghane. Plein d’illusions, en quête d’un eldorado, sa famille avait rassemblé des fonds pour son long voyage vers la France.
Les révolutions dans le monde arabe, les conflits en Libye, en Afghanistan ou dans des pays d’Afrique poussent depuis des mois des civils à fuir parfois jusqu’en Europe.
Yella Makhlouf est une Egyptienne d’une "famille aisée", débarquée en France en 1992 pour, croyait-elle, "faire une grande carrière dans la mode". Mais au début des années 2000, naturalisée Française, elle fait de "mauvaises rencontres" qui la précipitent dans la rue où elle survit depuis dix ans. Elle a aujourd’hui monté sa tente au milieu de migrants érythréens échoués, eux aussi, sur un pont surplombant les voies ferrées entre Stalingrad et Barbès.
Des Polonais, citoyens de l’Union européenne, semblent mieux supporter leur grande précarité. Ils ont élu "domicile" sous la station Jaurès. La rue est leur territoire, leur espace de liberté. Jaroslaw Burgepski, 34 ans, est arrivé de Pologne en 2001 avec l’idée de "travailler dans le bâtiment". Mais dès sa formation terminée, il a décliné les offres d’emploi pour "prendre le large", raconte-t-il.
Tous ces migrants SDF vivent grâce aux maraudes des associations, mais leur présence pose "un problème de voirie et d’occupation de l’espace public", admet Olga Trostiansky, adjointe PS au maire de Paris chargée de la lutte contre l’exclusion. "Nous essayons de mettre à leur disposition des gymnases, mais certains préfèrent retourner dans (la rue) au lieu de rester dans les structures d’accueil", regrette-t-elle.
Le secteur de l’hébergement d’urgence (Samu social, numéro 115...) dénonce depuis des semaines des coupes budgétaires du gouvernement, lequel mise sur une nouvelle politique dite de "Logement d’abord" donnant la priorité à l’accès au logement des SDF.
L’association Emmaüs Solidarité et son patron Bruno Morel plaident pour "le maintien des budgets" car "l’Etat doit être le garant de l’accueil inconditionnel" de ces étrangers sans domicile. "Rien ne peut justifier qu’une personne dorme dans la rue", dénonce-t-il.
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