Serbie : les clandestins de la « jungle » de Subotica essaient de survivre au froid
14 février 2012 - Le courrier des Balkans - Vesela Laloš (Traduit par Jovana Papovićà)
Une centaine de demandeurs d’asile pakistanais et afghans tentent de survivre dans la décharge publique de Subotica, en Voïvodine, bloqués dans leur fuite vers l’Europe par la neige et le froid polaire. La plupart d’entre eux sont en Serbie depuis déjà plusieurs mois, après avoir traversé la Grèce et la Macédoine. Parmi eux, un enfant de sept ans. Bravant les interdits, beaucoup de citoyens leur viennent en aide.
Il est très difficile d’arriver jusqu’en Europe, le rideau de fer de Schengen se lève rarement. Le seul et unique chemin pour ces immigrants est l’illégalité : passer à travers la « frontière verte » entre la Serbie et la Hongrie.
Dans les buissons entourés de monceaux d’ordures, il est assez difficile de discerner les tentes improvisées qui, avec la neige, ressemblent à des igloos. Elles sont fabriquées avec des matériaux récupérés sur la décharge dans laquelle ces demandeurs d’asile sans papiers attendent un miracle. Même s’ils ne veulent pas le dire à haute voix, on sait bien que ce « miracle » coûte quelques centaines d’euros et sous-entend un passage arrangé avec, en prime, des papiers pour n’importe quel pays de l’Union Européenne. La plupart d’entre eux, ne sont pas habitués à des hivers si rudes, beaucoup sont tombés malades. Il y a parmi eux un enfant de sept ans qui a été placé, mardi dernier, dans un foyer pour sans-abris.
La municipalité a demandé aux autorités nationales de faire une exception car, comme ces migrants se trouvent illégalement sur le territoire, ils n’ont aucun statut social et n’importe quelle forme d’aide ou de soutien serait une violation de la loi. D’après les dernières informations, la Croix rouge serait venue en aide aux migrants et, comme l’affirment des volontaires de la mission est-européenne, on va leur distribuer des sacs de couchage.
Solidarité citoyenne
Des membres de cette mission de la Croix rouge visitent le campement chaque jour. Tibor Nadj explique que depuis que les médias ont commencé à relayer l’affaire, des habitants viennent quotidiennement apporter des vêtements, des chaussures et des couvertures. Même avant l’intervention de la Croix rouge, les habitants venaient de leur propre chef aider ces migrants en difficulté.
Zora Ćujić, une des premières volontaires a vite fait de motiver ses amis et connaissances. « N’importe quel type d’aide est bienvenue, tout – une paire de chaussette, une vieille couverture, des chaussures usées, du beurre, du pain… toutes ces choses sont importantes pour eux. Quand je les vois ainsi affamés et vêtus de chiffons j’ai l’impression de vivre dans le luxe, leur situation ne peu pas laisser les gens indifférents et insensibles », explique-t-elle.
Nikola Tumbas est aussi en contact avec l’un des « groupes de soutien ». « Je connais des gens qui leur amènent de la nourriture tous les jours, ainsi que des vêtements chauds. J’ai aussi pris part à ces actions. J’ai l’impression que les habitants de Subotica réagissent par réflexe – quand on a appris l’existence du garçon de sept ans, j’ai reçu deux coup de fils de deux familles prêtent à accueillir l’enfant chez elles. Les demandeurs d’asile acceptent cette aide avec une grande reconnaissance. Même s’ils sont à bout de force, mal habillés, vous pouvez voir dans leurs yeux un grand soulagement lorsque vous leur apportez quelque chose », affirme-t-il. Pour ces migrants clandestins, l’avenir reste néanmoins très incertain. Ils espèrent tous arriver d’une manière ou d’une autre en Europe occidentale et y trouver du travail.
Abdulah Sarkhad, originaire du Pakistan, dit vouloir rester en Serbie s’il parvient à y trouver du travail. « Je suis venu de Grèce, ou j’ai vécu pendant deux ans parce que j’y ai perdu mon travail et je n’ai pas assez d’argent pour payer un voyage jusqu’en Allemagne, Hongrie ou Italie. Je travaillerais bien ici si je pouvais trouver quelque chose mais, pour l’instant, ce qui nous pose le plus grand problème c’est l’hiver », confie Abdulah, épuisé par le froid.
Son ami Ali a essayé, il a quelques jours, de passer vers la Hongrie, mais cela s’est soldé par un échec et il est de retour dans la décharge. Il n’est plus certain de vouloir franchir les frontières de l’Union. « Je ne sais pas... Je voudrais bien rester ici, j’aime beaucoup les gens de Subotica », dit Ali. « Au Pakistan, il y a beaucoup de problèmes – il n’y a pas d’argent, pas de travail, ma maison a été détruite par les inondations. J’ai trois enfants et je dois absolument trouver du travail pou leur envoyer de l’argent ».
À côté d’Ali, se trouvent aussi Mahatma Djahangiri, sculpteur, Aziz, chaussé de baskets presque sans semelles, et Kahul, âgé de 16 ans, qui a vendu tous ses biens pour la promesse de fouler le sol européen. « J’ai donné tout mon argent à des gens, mais voilà je suis toujours ici, et ils ne cessent de me répéter – attend encore un peu, attend ». Kahul reconnaît qu’il ne sait plus s’il doit encore leur faire confiance.
Ces jeunes gens se chauffent la journée devant un feu improvisé au dessus duquel ils préparent des repas dans une grosse boîte de conserve. Depuis que l’hiver à commencé, ceux qui ont un peu d’argent louent des chambres aux abords de la frontière. C’est une solution très risquée, car la police arrête aussi les propriétaires. Ces derniers mois, des demandeurs d’asile ont été arrêtés dans la décharge mais, pour l’instant, la police les laisse tranquilles. Pourtant, en cette période de grand froid, quelques jours de prison seraient un vrai cadeau que l’État serbe pourrait leur faire...
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