Y a-t-il encore des enfants en centre de rétention ?

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Y a-t-il encore des enfants en centre de rétention ?

11 janvier 2013 - Libération - Marie Piquemal

Hollande avait promis la fin de l’enfermement des mineurs. Huit mois après l’élection, s’il y en a effectivement moins en métropole, deux nouveaux cas viennent d’être repérés par les associations qui alertent par ailleurs sur la situation à Mayotte.

La promesse de campagne
 : « Je veux prendre l’engagement, si je suis élu à la présidence de la République, de mettre fin dès mai 2012 à la rétention des enfants et donc des familles avec enfants », avait écrit le candidat socialiste, François Hollande, dans une lettre adressée à plusieurs associations.

Pendant la campagne, François Hollande s’était montré peu prolixe en matière d’immigration, éludant le plus souvent la question. Parmi les quelques engagements sur le sujet, cette promesse, clairement formulée, de mettre fin à une pratique déjà condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme : l’enfermement des mineurs accompagnés de leurs parents en situation irrégulière avant leur expulsion du territoire. Huit mois après son élection, le président a t-il tenu cet engagement ?

Y a t-il encore des enfants enfermés ?

Oui, deux nouveaux cas viennent d’être repérés et dénoncés par les associations cette semaine. Mardi, une famille arménienne — grands-parents, mère et enfants (six mois et deux ans) — a été enfermée dans le centre de rétention administrative (CRA) de Metz. Le père était absent lors de leur interpellation à leur domicile en Lorraine.

Conduits le lendemain matin à l’aéroport de Roissy pour leur expulsion, ils ont refusé d’embarquer et ont été transférés au CRA du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) pour une deuxième nuit en rétention. Selon la Cimade, association d’aide aux migrants, cette famille devait être ramenée sous escorte policière à Nancy ce jeudi.

Autre cas, tout récent lui aussi : « Mercredi, une autre famille a été enfermée au CRA de Metz, dénonce Richard Moyon, porte-parole de RESF (réseau éducation sans frontière). Pourtant, les parents sans-papiers étaient volontaires pour quitter le territoire... Ce qui veut dire que même quand une famille ne s’oppose pas à son expulsion, elle n’est pas à l’abri d’être placée en rétention. »

Le 28 septembre dernier, un couple afghan demandeurs d’asile et leurs deux enfants avaient aussi été placés en rétention, suscitant une forte mobilisation des associations d’aides aux migrants et même une intervention du défenseur des droits, Dominique Baudis. La famille a été enfermée une journée et une nuit complète avant d’être libérée et assignée à résidence dans un hôtel.

Une amélioration depuis la présidentielle ?

Oui, si l’on s’en tient à la France métropolitaine. En 2010, 351 mineurs avaient été placés en rétention avec leurs parents1. Sur les six derniers mois, les associations ne comptabilisent que les trois cas mentionnés ci-dessus. « Mais il est tout à fait possible que d’autres familles aient été retenues sans que nous le sachions, note Sarah Belaisch de la Cimade. Nous ne sommes pas présents dans tous les centres de rétention et les préfets peuvent créer, sur simple arrêté, des locaux temporaires de rétention (dans un bus, un sous-sol de commissariat, etc.) »

Les enfermements de mineurs, avec leurs parents, ont baissé depuis l’entrée en vigueur de la circulaire du 6 juillet dernier. Où il a été demandé aux préfets, pour les familles avec enfants, de recourir à l’assignation à résidence plutôt qu’au placement en rétention.

Jusqu’ici quand un étranger en situation irrégulière était arrêté lors d’un contrôle d’identité, les services de la préfecture pouvaient décider de son placement en rétention en attendant le passage devant le juge et une éventuelle expulsion. Au nom de « l’unité familiale », des mineurs pouvaient être incarcérés avec leurs parents dans l’un des dix centres de rétention administrative habilités à recevoir des familles.

Désormais, pour les familles, l’assignation à résidence (à leur domicile ou à l’hôtel) devient la règle... Mais le placement en rétention demeure possible sous certaines conditions. « En cas de non respect des conditions de l’assignation à résidence, en cas de fuite d’un ou plusieurs membres de la famille ou en cas de refus d’embarquement », précise la circulaire.

Pour Richard Moyon, « la liste des exceptions est tellement longue qu’au final, l’administration a les mains libres... » Au cabinet du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, on s’en défend, évidemment : « La circulaire a été prise dans les deux mois après l’élection. C’est un texte ambitieux qui bouscule certaines habitudes et qui est bien appliqué : depuis le 6 juillet, plus de soixante familles ont été assignées à résidence alors qu’avant, elles auraient été placées en rétention pendant 45 jours au maximum. »

Ce qu’il reste à faire

La circulaire présente deux grosses lacunes, selon la Cimade. D’abord, et ce n’est pas rien, elle ne s’applique pas à Mayotte, qui est pourtant un département français. « D’après les derniers chiffres, 5389 enfants ont été placés en rétention à Mayotte en 2010, rappelle David Rohi, en charge de la commission éloignement à la Cimade. Les conditions de rétention sont vraiment insupportables, le CRA de Mayotte n’est pas du tout aux normes et n’est pas adapté à l’accueil des familles. » Pourquoi ce département est-il exclu du champ d’application de la circulaire ? « Le contexte migratoire y est très spécifique, un tiers de la population est en situation irrégulière. Vraiment, la situation n’est en rien transposable à celle que l’on trouve sur le territoire métropolitain. Notons aussi que la durée moyenne de rétention à Mayotte n’est que de huit heures », répond le cabinet de Manuel Valls.

Sarah Belaisch de la Cimade pointe un autre problème, lié à la nature même du texte : « Par définition, une circulaire n’a pas de force contraignante, cela ne vaut pas un texte de loi. » Un projet de loi sur l’immigration est en préparation au ministère, peut-être que l’engagement de François Hollande sur l’enfermement des mineurs y figurera.

1 Selon le rapport publié fin 2011 par les cinq associations autorisées à intervenir dans les centre de rétention (Assfam, Cimade, Forum réfugiés, France Terre d’asile et Ordre de Malte).

Source

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