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Les Lords britanniques ont demandé au gouvernement de repousser la ratification du traité signé avec le Rwanda, qui légalise le transfert des demandeurs d’asile dans ce pays. Si ce vote ne bloque pas définitivement le texte, il donne en revanche du fil à retordre au gouvernement britannique, qui tente depuis près de deux ans de concrétiser ce projet.
Le projet de transfert des demandeurs d’asile au Rwanda a du plomb dans l’aile. Lundi 22 janvier, les Lords britanniques ont rejeté le traité signé avec Kigali, visant à expulser les migrants arrivés au Royaume-Uni par la Manche. Une majorité de représentants siégeant à la chambre haute du Parlement ont demandé au gouvernement de repousser la ratification de ce traité tant qu’il n’a pas été effectivement démontré que le Rwanda est un pays d’accueil sûr pour les exilés.
Deux-cents quatorze Lords ont ainsi suivi la recommandation d’un comité transpartisan, qui a estimé dans un rapport publié la semaine dernière que les garanties fournies par le traité étaient « incomplètes », tandis que 171 d’entre eux se sont opposés à la motion.
Contrairement aux membres élus de la Chambre des Communes – qui eux, ont validé le texte le 17 janvier à une confortable majorité – les Lords n’ont pas le pouvoir de bloquer la ratification d’un traité. Mais le vote de cette motion, à laquelle le gouvernement devra apporter une réponse, laisse présager de nouvelles difficultés pour ce projet de loi controversé. Le texte doit donc encore être débattu une nouvelle fois à la chambre haute du Parlement britannique la semaine prochaine.
Du côté de Downing Street, on préfère minimiser l’impact du vote : d’après le porte-parole du Premier ministre, la décision des Lords ne retardera aucun vol à destination du Rwanda.
« Pas compatible » avec le droit international
C’est sur la base de ce traité que le projet de loi du gouvernement conservateur, socle de la politique de lutte du gouvernement contre l’immigration clandestine, a été élaboré. Le texte signé en décembre avec Kigali est en effet censé répondre aux préoccupations de la Cour suprême britannique, qui avait jugé le projet illégal dans sa précédente version par crainte que les demandeurs d’asile soient ensuite transférés vers d’autres pays où ils seraient en danger.
Ce vote constitue donc l’une des dernières cartes du gouvernement conservateur pour sauver ce projet emblématique, maintes fois mis en échec depuis son annonce en 2022 par l’ancien Premier ministre Boris Johnson.
« Dès le premier jour, cette politique a été une perte de temps et d’argent totalement irréalisable. Pourtant, les conservateurs sont obsédés par l’idée de faire avancer ce projet », a affirmé le chef du parti de l’opposition des Libéraux-Démocrates à la Chambre des Lords, Dick Newby, cité par The Guardian. Le gouvernement devrait maintenant accepter la réalité et abandonner » ce projet.
En plus des associations, de l’opposition britannique et de la Cour suprême, l’agence des Nations unies aux réfugiés (HCR) a également estimé que la dernière version du projet de loi n’était toujours « pas compatible » avec le droit international. Le HCR accuse notamment le Royaume-Uni de violer l’esprit de la Convention de Genève, relative au statut de réfugié, en « déplaçant le fardeau », alors que la plupart des réfugiés sont hébergés dans les pays en développement.
Des réfugiés dépendants de l’aide humanitaire
Malgré les multiples rebondissements que connaît le projet depuis près de deux ans, le ministre des Affaires étrangères rwandais Vincent Biruta assure que son pays restait « très engagé » dans le partenariat avec Londres, relate le journal rwandais The News Time. Le Rwanda a déjà reçu près de 240 millions de livres de la part du Royaume-Uni, pour couvrir, d’après les autorités britanniques, les coûts de l’installation des migrants.
En avril 2023, le porte-parole adjoint du gouvernement Vincent Mukuralinda assurait à InfoMigrants que le pays était déjà « prêt à accueillir toutes les personnes » susceptibles d’être transférées sur son sol. Des hôtels de Kigali ont par exemple été mis à disposition pour accueillir les demandeurs d’asile à leur arrivée.
Dans cet État d’Afrique des Grands Lacs, vitrine de l’Afrique moderne depuis quelques années, le quotidien des réfugiés issus des pays voisins n’est pourtant pas des plus enviables. « Ici, les réfugiés ont accès aux mêmes services de base que les Rwandais, comme la santé, l’école ou le travail, avait expliqué Lilly Carlisle, chargé de communication pour le HCR dans le pays. Ça, c’est pour la théorie. Dans la réalité, c’est beaucoup plus compliqué. Il est très difficile, pour ces personnes, de trouver un travail et donc de construire leur vie. Des années après leur arrivée, la plupart restent dépendantes de l’aide humanitaire ».
Conséquence, « près de 90% des réfugiés comptabilisés au Rwanda vivent encore dans des camps ». Certains, depuis plus de 20 ans.
Par La rédaction Publié le : 23/01/2024