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Expulsions : le livre qui démonte les chiffres
26 février 2009 - Liberation.fr - CATHERINE COROLLER
« C’est une raison d’être de notre travail : par un discours argumenté, mettre en cause la rationalité de la politique d’immigration menée par Nicolas Sarkozy, et pas seulement nous indigner de ses
conséquences. » Cette France-là, ouvrage autoédité par un collectif d’universitaires, militants associatifs et journalistes, que Libération s’est procuré, porte cette ambition. Et les conclusions de
ses auteurs sont sans appel : la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy n’a aucune rationalité économique. Son seul objectif est de mettre en scène le volontarisme politique du chef de l’Etat (lire
ci-dessous).
Loin d’être un fanzine militant, Cette France-là est à la fois un beau livre et un ouvrage très documenté, de 450 pages, que les auteurs vont déposer dès jeudi dans les boîtes aux lettres de tous les parlementaires, ministres, préfets, membres du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde),
etc. Au total, quelque 2 000 exemplaires de ce livre devraient être distribués gracieusement (1).
Portraits. A l’origine de ce projet, une association de loi 1901, baptisée, elle aussi, Cette France-là. Elle s’est fait connaître en 2007 par une campagne d’affichage : une galerie de portraits d’étrangers
en situation irrégulière ayant été expulsés de France. Le slogan : « Cette France-là, vous l’aimez ? Vous pouvez la changer. » Soucieux de « s’interroger sur la nature même de leur indignation », les
membres de l’association décident d’aller plus loin en éditant un ouvrage qui « soumettr(a) à la question la nouvelle politique française d’immigration », celle de Nicolas Sarkozy alors tout juste élu.
Après un an et demi de travail, le premier tome de cette somme - qui devrait à terme en compter cinq - vient donc de paraître. La période étudiée part du 6 mai 2007, jour de l’élection du chef de l’Etat et
prélude à la création du fameux ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, et court jusqu’au 30 juin 2008. Fidèle de Sarkozy, Brice Hortefeux s’est appliqué à mettre en musique cette politique. Exigeant de
tous les rouages de l’Etat et de la société qu’ils participent à la traque aux sans-papiers (lire page 4). La nomination d’Eric Besson changera-t-elle la donne ? Le nouveau ministre s’implique davantage
dans le dossier que son velléitaire prédécesseur. Il s’est rendu à Calais, où se concentrent des centaines de migrants désireux de passer en Angleterre, ce qu’Hortefeux n’avait jamais fait. Il a
avoué à mi-mots sa décision de renoncer aux tests ADN pour les étrangers souhaitant entrer en France dans le cadre du regroupement familial. Il a reçu des parlementaires de la majorité très opposés à la politique d’immigration du chef de l’Etat, ce que ces derniers analysent comme une inflexion vers une politique plus humaine. Illusion ? Jusqu’aux élections européennes, le ministre de l’Immigration devrait continuer, comme son prédécesseur, de manier le bâton. La crise et la hausse du chômage faisant craindre une remontée du Front national, Sarkozy et son ministre ne voudront pas donner prise aux obsessions anti-immigration de Jean-Marie Le Pen.
Dénoncé. Sur le terrain, la répression continue. Dernier exemple en date relaté par l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, le 3 février, la Caisse primaire d’assurance-maladie de l’Yonne a
dénoncé à la police un sans-papiers angolais qui était venu, accompagné d’un responsable d’Emmaüs, retirer son attestation d’aide médicale de l’Etat (AME). Interpellé par le Comité médical
pour les exilés (Comede) et la Cimade, le directeur de la Caisse a revendiqué cette procédure au nom du « professionnalisme » et a affirmé que ses agents ont agi « sans zèle, ni faiblesse ».
(1) Cette France-là sortira le 6 mars en librairie.
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