Archives du mois de 03 2009
L’oeuvre de Sylvain GEORGE a nouveau récompensée
31 mars 2009 - Salam
Le prix documentaire Court Métrage du festival international du film d’Aubagne a été attribué à notre
ami cinéaste Sylvain George pour "N’entre pas sans violence dans la nuit". Toutes nos félicitations.
Plus d’infos : http://www.cineaubagne.com
Rejeté de Grande-Bretagne, abattu au Darfour
25 mars 2009 - Courrier International - Robert Verkaik The Independent
L’assassinat d’un réfugié darfouri expulsé par les Britanniques relance le débat sur les demandeurs d’asile et la situation dramatique dans cette partie de l’Afrique. Article traduit et publié par Courrier International
Adam Osman Mohammed, 32 ans, a été abattu chez lui devant sa femme et son fils de 4 ans quelques jours après son arrivée dans son village, dans le sud du Darfour. Des agents l’avaient pris en filature depuis Khartoum. Cette affaire devrait être utilisée par les défenseurs du droit d’asile qui s’opposent au souhait du ministère de l’Intérieur britannique de faire lever l’interdiction de renvoyer au Soudan les personnes dont la demande d’asile a été rejetée. Les avocats du gouvernement s’apprêtent en effet à plaider en faveur du renvoi de quelque 3 000 personnes à Khartoum.
Les partisans du droit d’asile rappellent qu’Adam Osman Mohammed, un Darfouri non arabe, était venu en Grande-Bretagne pour échapper aux persécutions au Soudan. Le village où il était agriculteur avait été attaqué deux fois par les janjawids, les milices arabes, et il avait dû s’enfuir avec sa famille. Séparé de sa femme lors de la deuxième attaque sur le village, il avait fui au Tchad avant de gagner la Grande-Bretagne en 2005.
Sa demande d’asile a été définitivement rejetée en 2008 et il a été rapatrié à Khartoum en août, dans le cadre du programme de retour volontaire du ministère de l’Intérieur. Il est resté quelques mois à
Khartoum puis est rentré au Darfour pour retrouver sa famille. Selon Mohammed Elkazi Obubeker, son cousin, qui préside l’Union du Darfour au Royaume-Uni, "les forces de sécurité l’ont suivi jusqu’à
un autre village, Calgoo, où sa femme et son fils avaient trouvé refuge. Ils sont arrivés, l’ont cherché et l’ont abattu devant sa femme et son fils." Waging Peace, association de défense des droits de
l’homme qui compte porter le cas de M. Mohammed à l’attention du Tribunal pour l’asile et l’immigration en avril, déplore toute tentative de lever l’interdiction de rapatriement des Darfouris non arabes au Soudan. "Le gouvernement persiste à vouloir renvoyer les demandeurs d’asile du Darfour, mais on a du mal à comprendre sur quoi il fonde cette décision. La Cour pénale internationale a émis
un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar El-Béchir pour les meurtres commis pendant le génocide. Si le ministère de l’Intérieur croit qu’on peut renvoyer des gens dans ce pays où il existe
des preuves manifestes de génocide, cela montre qu’il n’a vraiment aucune idée de la situation làbas", assure Louise Roland-Gosselin, sa directrice.
Pour Jan Shaw, qui dirige le programme des réfugiés au Royaume-Uni d’Amnesty International, "le Darfour est toujours extrêmement dangereux. Il y règne un climat d’insécurité et les violations des
droits de l’homme s’exercent en toute impunité. Les femmes risquent toujours le viol et on continue à tuer des civils ou à les contraindre à partir de chez eux. Même à Khartoum, nous craignons que les
Darfouris risquent d’être persécutés. Le Royaume-Uni doit traiter les déboutés avec humanité. Or, dans la plupart des cas, ils ne disposent d’aucun soutien et peuvent se retrouver à la rue sans rien. Il
est tragique que certaines personnes soient tellement désespérées qu’elles retournent au Soudan en dépit des risques que cela présente pour leur sécurité."
"Le gouvernement soudanais soupçonne, à tort ou à raison, toute personne revenant du Royaume-Uni d’être contre lui. Ces gens-là sont considérés comme des ennemis de l’Etat. Ce qui est arrivé à mon cousin est terrible. Il voulait vivre en Grande-Bretagne parce qu’il savait que ce serait trop dangereux pour lui de vivre au Darfour. Tout ce qu’il voulait, c’est une nouvelle vie dans ce pays – et il en est mort", ajoute Mohammed Elkazi Obubeker. Pourtant, lorsqu’on lit les directives du ministère de l’Intérieur à l’usage des agents qui traitent les demandes d’asile de personnes originaires du Darfour, il est clair que le gouvernement britannique pense que les personnes renvoyées à Khartoum ne sont pas en danger. "Les autorités soudanaises sauront selon toute probabilité qu’une personne renvoyée au Soudan a en vain cherché à obtenir une protection internationale au Royaume-Uni. …
Cependant, un ressortissant soudanais ne courra aucun risque en retournant à Khartoum, que ce soit à l’aéroport ou à l’extérieur, par le seul fait qu’il revient au Soudan volontairement ou involontairement", explique l’un des documents. De son côté, un porte-parole de l’agence chargée des dossiers explique que son orgnisme examine "chaque demande d’asile avec le plus grand soin et qu’il existe un contrôle exercé par des tribunaux indépendants. Nous continuons à suivre la situation au Soudan. En juillet 2008, nous avons décidé d’arrêter d’y renvoyer les Darfouris non arabes tant que les tribunaux ne nous donnent pas leur aval."
Welcome : "Protéger les migrants ne mérite pas la médaille des Justes"
22 mars 2009 - Salam
Raymond Aubrac sort mardi dernier du cinéma où il vient de voir Welcome. A notre demande, ce héros de la Résistance arbitre ici une polémique née avant même la sortie du film, quand son réalisateur, Philippe Lioret, a comparé des migrants sans-papiers à Calais aux Résistants ou aux Justes qui sauvaient les juifs pendant l’Occupation. Leçon d’histoire et d’humanité.
Propos recueillis par Claude ASKOLOVITCH, publié dans Le Journal du Dimanche, édition du 22 mars 2009. Ils vous ressemblent, ces personnages du film de Lioret ? Il y a des points communs. Le sentiment d’injustice, l’idée qu’on ne doit pas rester sans rien faire.
L’optimisme aussi. Dans le petit jeu qu’on appelait la Résistance, il y avait l’idée que notre action améliorerait les choses... La pulsion de résistance, elle est souvent irréfléchie, sans prise en compte
du danger. Une dame que j’ai connue, qui habitait place des Vosges, à Paris, avait saisi par la manche une jeune fille dont on emmenait la famille, pour la cacher dans son appartement... Elle l’a
fait d’un coup, elle a abrité cette jeune fille, elle a vécu quatre ans dans la peur... Mais, sur le moment, elle a agi sans penser.
On ne doit pas sacraliser ce mot, "Résistance" ? Non, pourquoi ? Mais ça ne veut pas dire qu’on égalise tout. Ceux qui protègent les migrants sont altruistes, généreux, sensibles. Mais il y a avec les Justes deux différences fondamentales : ce que risquaient les juifs, et ce que risquaient ceux qui les aidaient. Je trouve injuste et un peu provocateur de dire qu’on mérite la médaille des Justes quand on transporte en voiture sur 4 kilomètres des migrants SDF... Il n’y a pas de vrai risque à protéger des sans-papiers ! Ceux qui aidaient les juifs
pouvaient être livrés aux Allemands, ce n’était pas une convocation à un commissariat de police, une fois par semaine.
"J’approuve ceux qui aident les sans-papiers"
Lioret veut dénoncer des "mécanismes d’oppression" qui s’adossent à la police. Il compare son personnage dénoncé à la police à un résistant dénoncé à la Gestapo... La Gestapo... c’est de la sottise ou de la provocation. Ou de l’ignorance... J’admets la provocation, parce que c’est utile d’attirer l’attention sur ce beau film ou sur le sort des migrants. Mais il faut faire
attention. Il y a dans le film des ambiguïtés voulues. Quand on voit un policier inscrire un numéro sur la main des sans-papiers, on voit la référence à Auschwitz... Si c’est faux, l’image est un peu perverse. Si c’est vrai, il faut le dire. Mais, en même temps, ce n’est quand même pas la même chose que les déportations.
Vous vous êtes engagé pour les sans-papiers ? Oui, et sans aucune restriction. J’approuve ceux qui aident les sans-papiers, et si une loi l’interdit il faut la transgresser, c’est de la résistance ! Mais les migrants de Calais ne sont pas menacés de mort
par un Etat, ils ne sont pas hors du droit. Evidemment, ils subissent une épreuve terrible, presque darwinienne. Ces gens-là ont été capables de tout abandonner, de marcher des milliers de
kilomètres, ils n’iront pas tous au bout... Cela mérite un immense respect, et une immense solidarité.
Pourquoi la référence à l’Occupation et à la Résistance est-elle un passage obligé ? Quand j’étais adolescent, je supportais mal les récits de mon père et de ses amis sur leur guerre et sur Verdun. On ne supportait que les aviateurs, parce qu’ils avaient vécu des aventures hors du commun, et qu’ils étaient des volontaires. Les résistants aussi étaient des volontaires : nous avons agi par choix. Il y a vingt ans, quand j’allais dans des écoles, on me posait des questions de type "western" sur les trains qui sautaient, les Allemands qu’on tuait... Aujourd’hui, on me demande pourquoi nous agissions et ce qu’est la Résistance de nos jours. Les Français aujourd’hui ne savent pas ce qu’est la liberté puisqu’ils ne l’ont pas perdue. C’est quelque chose de perdre sa liberté, et c’est difficilement compréhensible... C’est pour cela qu’on a besoin de raconter l’histoire et de ne pas en abuser.
De Kaboul à Paris : l’épuisement psychique de l’exil
20 mars 2009 - Site de Médecins sans frontières
Comme beaucoup de ses compatriotes afghans, S. a été reçu au Centre d’Ecoute et de Soins de MSF, à Paris, destiné aux personnes venues chercher asile et protection en France, suite à des
violences politiques ou venant de zones de conflit. Lorsque l’équipe soignante le reçoit en consultation, à la fin de l’année 2008, peu après son arrivée en France, il est dans une grande détresse psychologique. Il évoque un long parcours, où la violence et la mort sont souvent relatées.
Le périple de S. jusqu’ici, à Paris, va durer presque un an et demi : Pakistan-Iran-Turquie-Grèce- Italie-France, avec plusieurs allers-retours entre la Turquie, la Grèce ou l’Italie. Comme beaucoup de ses compatriotes afghans, il est arrivé seul en France. Sa famille est restée là-bas, en Afghanistan ou, plus souvent, dans un pays voisin où des milliers d’Afghans, fuyant les années de conflit, se sont trouvés dans des camps de réfugiés.
S. lui, s’est réfugié avec une partie de sa famille au Pakistan, après l’assassinat de son père par les talibans. L’exil, le cauchemar continue. La route de l’exil, longue et dangereuse, se fait au péril de la vie pour
ces nombreux Afghans qui tentent de rejoindre l’Europe. Entre l’Iran et la Turquie, par exemple, nos patients décrivent souvent un voyage en camion avec, parfois, 200 personnes entassées et enfermées, sans nourriture ni eau. A l’arrivée, certains sont morts d’asphyxie.
Entre la Turquie et la Grèce, et de la Grèce vers l’Italie, le voyage se fait dans la cale d’un bateau ou à bord d’embarcations de fortune. Les chavirements ne sont pas rares, les noyades fréquentes. Puis, de l’Italie vers la France, le transport se fait de nouveau par la route, à l’intérieur de camions ou accrochés sous les essieux. Fin de parcours. Des soins psychologiques indispensables. Traumatisé par ce qu’il a vu et vécu en Afghanistan et tout au long de son exil, S. est suivi par un psychologue du Centre d’Ecoute et de Soins. Une vingtaine de patients afghans, comme lui, viennent en consultation à ce centre de MSF, dans le 10ème arrondissement de Paris.
Tous présentent des troubles psychologiques sévères qui se manifestent par un état d’épuisement psychique, associé à des sentiments de confusion mentale (perte de repères, troubles de la mémoire et de la concentration) ; une sensation de tension constante les rendant parfois peu disponibles, les fragilisant dans leurs relations aux autres. Des états d’anxiété sévères pouvant alterner avec des épisodes dépressifs où sont évoquées des idées suicidaires ; un sentiment d’envahissement des souvenirs douloureux relatifs aux événements vécus, pendant la journée ou au cours du sommeil.
En dehors des soins de santé mentale, S. bénéficie également d’un suivi médical et d’une aide sociale. En tant que mineur étranger isolé (MEI), S. a été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et bénéficie d’un hébergement jusqu’à ses 18 ans. Mais ce n’est pas le cas pour les adultes afghans qui arrivent en France et se trouvent sous le règlement de Dublin II. Ce statut ne leur confère en effet aucun droit (ni hébergement, ni CMU, ni allocations) et peu de chances d’obtenir l’asile en France.
Les « dublinés » doivent procéder à leur demande d’asile dans le premier pays européen où ils ont été enregistrés, généralement la Grèce, et sont donc susceptibles d’y être renvoyés.
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