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Archives du mois de 05 2013

Calais : les incendies en série dans les squats de migrants font réagir le monde associatif

28 mai 2013 - La Voix du Nord - D. M.

« Les feux de la misère ». C’est le terme utilisé par l’association d’aide aux migrants, La Marmite aux idées pour réagir à l’incendie qui s’est déclaré, dimanche matin, dans les combles des maisons murées de la friche « Darquer », rue des 4-Coins. Le sinistre serait parti d’un feu allumé, pour se chauffer, par des migrants expulsés mercredi dernier du squat dit « des Égyptiens », rue Descartes.

« Comment s’éclairer quand on n’a pas d’électricité, si ce n’est à la bougie ? Comment se chauffer et cuisiner, quand on n’a ni chauffage, ni gaz, ni électricité, sinon en trouvant du bois et en allumant un feu ? », s’interroge l’association, dans un communiqué de presse qui rappelle le récent accident meurtrier de Lyon « dû à une bougie, quelques jours après que la mairie a coupé l’électricité dans un squat où vivaient des familles avec enfants ».

Pour conclure, l’association appelle à « cesser la traque des exilés » et à « l’utilisation des outils existants pour créer des conditions d’accueil décentes ».

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Fruges : des bénévoles viennent en aide aux migrants de Calais

28 mai 2013 - La Voix du Nord

Le Comité catholique contre la faim et pour le développement(CCFD) est en première ligne pour l’accueil des migrants et leur insertion en France. L’équipe locale de Fruges, animée par l’abbé Bernard Denis, se rend une fois par mois à Calais pour seconder les bénévoles dans leurs tâches.

eudi soir, au lycée Sainte-Marie, l’abbé Denis a accueilli le président départemental Hervé Leroy. Il a évoqué les objectifs du comité notamment pour les conditions d’accueil et l’accompagnement des migrants.

Marianne Guéret, intervenant depuis 10 ans, est venue témoigner. Elle s’occupe de l’accueil de jour des migrants qui sont environ 200 dans le Calaisis. Cela nécessite en permanence une dizaine de bénévoles qui se relaient.

Il faut en effet se déplacer pour hercher les migrants dans leurs abris qui se multiplient sur la côte depuis la fermeture de la « jungle » de Calais.

Pour améliorer leur sort, détecter leurs besoins, et aussi pour les orienter vers la demande d’asile, dont est responsable Jacky Verhagen. Selon lui, les migrants viennent majoritairement de pays en guerre et sont en droit de le demander.

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Un squat de migrants évacué hier matin à Calais

23 mai 2013 - La Voix du Nord - Marie Goudeseune

La police a évacué hier dès 8 h le squat de la rue Descartes, à Calais, plus connu sous le nom de « squat des Égyptiens », et considéré comme un des plus gros squats actuellement dans la ville.

Il s’agit d’une maison appartenant à la Ville et vouée à la destruction : un écoquartier doit voir le jour d’ici plusieurs mois sur le terrain qu’elle occupe.

Au moment de l’évacuation, dix-sept migrants se trouvaient dans l’habitation, principalement des Syriens, Égyptiens et Palestiniens. Ils ont refusé la proposition de l’État d’être hébergés dans le département, leur objectif étant de rester à Calais pour tenter un passage vers l’Angleterre.
Deux maîtres-chiens surveilleront la maison

L’évacuation s’est déroulée dans le calme. Elle a été suivie presque immédiatement par l’intervention d’une grue chargée de détruire le logement. Seulement, à peine avait-elle commencé à abattre les murs que des tôles en fibrociment ont été découvertes. La démolition a été suspendue car la présence d’amiante nécessite une procédure particulière. La Ville a décidé que deux maîtres-chiens surveilleront la maison en attendant que cette procédure aboutisse.

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Nouvelles de Calais : les migrants sont toujours là

22 mai 2013 - Blog Le Monde - Julia Druelle

Pour les Calaisiens, tous les migrants sont des "Kosovars " : sur la Cote d’Opale, l’afflux de réfugiés a commencé avec la guerre du Kosovo à la fin des années 1990 et le terme est resté . Le panneau placé à l’entrée de l’agglomération procède à une juste actualisation : entre Wismar et Duisbourg, villes jumelées avec Calais, quelqu’un a inscrit Khartoum et Kaboul. Les réfigiés d’aujourd’hui viennnent souvent, en effet, du Soudan et d’Afghanistan.

Après avoir franchi une première fois la frontière de l´espace Schengen, en Grèce ou en Italie, ces errants arrivent en France, face à l’Angleterre. Traverser les 34 kilomètres du détroit du Pas-de-Calais est une obsession collective. Savent-ils que le Royaume-Uni vient d’annoncer un durcissement des lois relatives à l’immigration ? “C’est plus facile de travailler en Angleterre”, croit savoir Rohmiuh, un jeune Afghan. Une rumeur dit même qu’il serait relativement facile d’y travailler sans papiers. Beaucoup d’entre eux maîtrisent l’anglais et certains ont de la famille ou des amis d’amis en Angleterre. Qui sont les passeurs ? A demi-mots on cite la mafia albanaise sans épiloguer . Les journaux locaux évoquent des filières afghanes ou kurdes. Le prix versé varieraient de 700 à 1000 euros.

« C’est moi le roi de cette jungle »

18h15, la camionnette de l’association Salam (Soutenons, Aidons, Luttons, Agissons pour les Migrants et les pays en difficulté) entre sur le quai Crespin où plusieurs dizaines de migrants attendent en rangs serrés la distribution du repas. En une heure, 300 repas sont servis dans des barquettes en plastique. On y vient aussi pour changer un pansement, demander un conseil ou une couverture. Le repas terminé, chacun repart de son côté. Un certain nombre prennent le chemin de la “jungle”, un ensemble de campements clandestins qui changent de place au rythme des évacuations. Après une demie heure de marche en direction des dunes, il faut encore se frayer un passage sur le sentier qui serpente entre d es arbustes épineux. Le sol est couvert de détritus, de morceaux de plastiques, de verre et de bouts de chiffons. Une soixantaine de tentes sont éparpillées au pied des dunes, des tentes sont recouvertes de couvertures en guise d’isolant du froid. “Bienvenue dans mon palais”, lâche Khan. “T’es fou, , c’est moi le roi de cette ‘jungle’ , le coupe Whali, avec cet humour grinçant qui permet de ne pas perdre le moral . “La situation est vraiment difficile. Il fait froid, on vit dehors. L a police nous arrêtent, et la plupart du temps ils nous relâchent après quelques heures . Mais on ne sait jamais ce qui peut se passer."

Shahrohkhan , 17 ans, partage avec un cousin une tente à l’artmosphère enfumée. Au centre, une bougie éclaire et réchauffe vaguement . “Je suis mineur alors j’ai fait une demande d’asile en France . Avant, j’étais à Lyon. Je veux aller en Angleterre mais il me faudrait de l’argent pour les passeurs”. Le discours est décousu et l’interlocuteur noie son désespoir dans un verre d’alcool à bas prix. On arrive à comprendre qu’il est parti d’Afghanistan à 13 ans , qu’il appelle parfois sa famille sans lui dire comment il vit : "J’aurais trop honte”.

Pour Daouad, “le plus dur c’est qu’on ne nous respecte pas. Chez moi on respecte les étrangers, ici on me fait passer pour un criminel ». Au détour des discussions, on égrène les morts en route dans une indifférence glaçante : des noyades près des côtes italiennes, des morts de froid dans les massifs turcs qu’il a fallu traverser à pieds. On voit les doigts brûlés de ceux qui tentent d’effacer leurs empreintes digitales à l’aide d’un clou chauffé à blanc. En vertu des accords Dublin II censés lutter contre les demandes d´asile multiples au sein de l’Europe de Schengen, les migrants ne sont autorisés à déposer qu´une seule demande d´asile au sein de l´Espace, dans le premier pays ayant relevé leurs empreintes digitales. Arrêtés ailleurs, ils y sont systématiquement refoulés. Pour effacer leurs "traces", certains ont alors recours à ces mutilations.

« Sur le fond rien n’a changé »

Depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002 par Nicolas Sarkozy , alors ministre de l’intérieur, les migrants sont dispersés sur la côte d’Opale. Jean-Claude Lenoir, président de l’association Salam, les situe dans un espace de 80 km autour de Calais. « Certains attendent également en Belgique dans les centres d’accueil de Fedasile (l’Agence fédérale belge pour l’accueil des demandeurs d’asile). Quand le trafic est plus fluide, que « ça passe », il y a un effet d’appel d’air et ils reviennent ici ». Calais concentrerait 400 migrants ( un chiffre difficilement vérifiable ) , qui tenteraient quotidiennement de passer entre les mailles du filet. L a fermeture du centre de Sangatte, puis en 2009, le très médiatisé démantèlement de la "jungle" , ont un temps fait chuter le nombre, mais les associations rappellent que détruire les structures d’accueil ne change pas la nature du problème et prônent une solution plus large, « au niveau de l’Europe et de l’espace Schengen ».

Les associations se sentent délaissées et réclament un soutien de la part de l’Etat. « Le sous-préfet est venu en février dernier, rappelle Jean-Claude Lenoir. Il a reconnu que notre action était, selon ses termes, « déterminante ». Ils se rendent bien compte qu’elle est nécessaire mais les associations ne reçoivent aucune aide financière ». Lors du dernier conseil des migrants organisé le 4 avril à l’hôtel de ville de Calais , le maire Natacha Bouchart (UMP) a elle aussi déplor é l’absence des services de l’État. Signe du malaise, l’association La Belle Étoile qui servait les repas du midi depuis cinq ans, a définitivement mis la clef sous la porte le 28 févrie r . Elle entendait ainsi « exprimer un ras-le-bol ». Depuis, les repas ne sont plus distribués que le soir par les associations Salam et l’Auberge des migrants.

« L’élection de François Hollande a marqué un changement dans l’esprit, mais rien n’a changé sur le fond. On peut dire qu’il y a moins d’arrogance, moins d’agressivité, même si dernièrement on a pu constater une nouvelle hausse des contrôles" , observe Georges Gilles de l’association Salam. « Manuel Valls était venu ici lors de l a primaire socialiste , je comprends qu’il soit occupé, mais il aurait au moins pu faire un signe, c’est décevant ».

« la problématique des migrants s’est installée durablement »

Pour les habitants, les migrants font partie du décor , comme une fatalité « La problématique des migrants s’est installée durablement : elle existera encore dans dix ans » a déclaré le maire Natacha Bouchart au quotidien La Voix du Nord en avril. Natacha Bouchart qui en 2009 avait dénoncé la "prise d´otage" de la ville de Calais par le gouvernement britannique. En 2009, dans une vidéo, elle avait estimé que laville de Calais était "prise en otage" par le gouvernement britannique et avait demandé aux autorités françaises de ne pas offrir de conditions d’accueil trop attractives aux migrants...

Alors que les contrôles et la récente intensification des opérations de désquatage tentent d’éloigner les migrants du centre-ville, une inscription tagée attire l’attention. Comme un clin d’œil trône à plusieurs mètres de hauteur : « England, I love you ». Les mots ont étés tracés au charbon à l´intérieur d’un squat qui se tenait là jusqu’à il y a quelques mois. Après la démolition du bâtiment, l’inscription s’est retrouvée à l’air libre, visible de tous et de loin. Un brin ironique quand les associations dénoncent la volonté des autorités de rendre les migrants invisibles. Toute l’ambiguïté des rapports des migrants à l’Angleterre y est également résumée : sous le mot « England » est inscrit un très discret « Egypt ».

Dates et chiffres

- Arrivée des premiers migrants à Calais au milieu des années 1990. Ils sont originaires de l´est de l´Europe. En 1999 affluent de nombreux Kosovars, conséquence de la guerre du Kosovo. Le déclenchement de la guerre en Afghanistan en 2001 amène de nombreux Afghans.

- 1999 : création d´un centre d’hébergement et d’accueil d’urgence humanitaire (CHAUH) à Sangatte, géré par la croix rouge. 70 000 personnes auraient transité dans ce centre limitrophe de Calais jusqu´à sa fermeture en décembre 2002. On y dénombrait alors plus de 1000 personnes.

- décembre 2002 : fermeture du centre de Sangatte. Les migrants s’éparpillent sur le littoral nord.

- 2003 : les accords européens de Dublin II contraignent les demandeurs à déposer leur demande dans le premier pays de l´espace Schengen les ayant enregistrés.

- septembre 2009 : démantèlement de la "jungle", campement regroupant plusieurs centaines de migrants.

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Des « Hunger Games » bien réels

20 mai 2013 - Huffington Post France - Alice Farmer

Voici une histoire à vous briser le cœur – celle de milliers de garçons afghans réfugiés qui errent en Europe seuls, sans parents, sans une aide suffisante de la part des gouvernements européens et qui risquent le dénuement, la prison et même la mort.

Cela a beau ressembler à une nouvelle version du film de science-fiction « Hunger Games », c’est, hélas, une triste réalité. À Human Rights Watch, nous documentons les violations des droits humains subies par les enfants migrants non accompagnés depuis plus de 10 ans, et je me suis personnellement entretenue avec des centaines de ces enfants. Les enfants que j’ai rencontrés ont en général été envoyés à l’étranger dans une tentative désespérée de leur offrir une vie meilleure ou de les préserver des persécutions. Voyageant avec des passeurs clandestins — sur des essieux de camion, à pied ou à bord de frêles embarcations — au moins 10.000 enfants non accompagnés arrivent chaque année sur le territoire de l’Union européenne. En fait, il y en a peut-être des milliers de plus, car ces garçons sont souvent très tentés d’éviter d’être repérés et enregistrés par un gouvernement, quel qu’il soit.

Les jeunes Afghans – qui représentent un pourcentage important des enfants que j’ai rencontrés — ont fui des situations terribles chez eux. Parfois, des membres de leur famille ont été tués et ces garçons étaient eux-mêmes soumis quotidiennement à des violences et à des privations. Certains ont été recrutés comme enfants soldats.

L’histoire d’un garçon afghan nommé Reza m’a beaucoup marquée. J’ai rencontré Reza (c’est un nom d’emprunt) dans une maison abandonnée, dont la construction sous un pont était inachevée, près de Patras, une ville portuaire de Grèce. Pour atteindre la maison, nous avons dû emprunter un passage souterrain en gravier, sauter par-dessus une canalisation à ciel ouvert et ramper à travers un trou pratiqué dans une palissade surmontée de barbelés. Une douzaine de demandeurs d’asile afghans vivait là, dormant sur des matelas posés à même le sol, sans eau courante ni électricité. Ils m’ont présenté Reza, un garçon frêle, faiblement charpenté, avec la légère trace d’une moustache naissante sur la lèvre supérieure.

Reza, qui n’avait que 14 ans, était venu en Grèce tout seul. Son père était mort et sa mère et ses sœurs aînées avaient décidé qu’il devrait quitter l’Iran, où la famille avait initialement cherché refuge, et partir pour l’Europe. Il m’a dit qu’il était venu en Europe pour gagner de l’argent afin de soutenir financièrement sa mère et ses sœurs. Il avait voyagé par voie terrestre pendant des mois, entrant en Grèce dans la région d’Evros, où la police grecque l’avait intercepté. Les policiers l’ont tout d’abord mis en prison, puis l’ont libéré sans lui donner la moindre aide ou le moindre secours, alors qu’on voit très clairement, à son allure, que c’est un jeune garçon.

« Je ne peux pas rester ici », m’a dit Reza, en parlant de la Grèce. « La police vient la nuit et nous sommes obligés de fuir…. J’ai de la nourriture, mais pas régulièrement ». Il récitait une liste — c’était comme une incantation, en fait — de pays qu’il espérait atteindre pour se trouver en sécurité. « La Suisse, la Suède. Ou bien l’Autriche, ou l’Allemagne ». Mais le chemin que Reza voulait prendre n’était pas sûr — il allait devoir éviter les gardes frontière et voyager clandestinement de plus en plus loin en Europe, peut-être comme passager clandestin sur des ferries ou agrippé sous le chassis d’un camion pendant plusieurs jours. Quand j’ai quitté Reza après avoir écouté son histoire, sachant qu’il allait affronter des dangers très réels, y compris de mort, j’étais bouleversée.

J’ai été heureuse d’apprendre que l’émission de télévision américaine 60 Minutes allait présenter un sujet filmé sur l’odyssée de ces garçons en Europe, car leur histoire est très importante. J’espère que de nombreux spectateurs ont pu voir cette émission le 19 mai. Adultes, parents – pouvez-vous imaginer votre enfant partant pour un tel voyage, pendant des mois durant lesquels vous n’auriez peut-être aucune nouvelle et aucune idée de l’endroit où il se trouve ? Ou même s’il est encore vivant ? Et aux enfants qui ont vu l’émission, je demande : pouvez-vous imaginer avoir le courage de quitter votre foyer et la détermination nécessaire pour survivre à un tel voyage et construire tout seul une nouvelle vie ?

Si j’étais dans cette situation, je peux à peine imaginer combien il faudrait que la situation soit mauvaise dans mon pays pour que je juge nécessaire que mon enfant prenne ce genre de risques. Je pense que chaque jour — et même à chaque heure — j’espérerais que quelqu’un s’occupe de lui et le protège. Et pourtant, ces jeunes qui atteignent l’Europe ne reçoivent guère d’aide.

Les gouvernements traitent ces garçons comme des migrants sans papiers qui ont violé la loi et ne prennent guère en considération leur besoins en tant qu’enfants. En particulier en Grèce — l’un des principaux points d’entrée dans l’Union européenne - ils risquent de devoir affronter des périodes de détention prolongées, des comportements abusifs de la part de la police et d’être traités comme des adultes après des contrôles peu fiables de leur âge. Ils risquent de se trouver — comme Reza — sans abri, dormant où ils peuvent, sans nourriture et sans possibilité de s’inscrire à l’école ou de recevoir des soins médicaux. Et au bout du compte, ils risquent d’être renvoyés de force en Afghanistan, que leurs familles soient identifiées ou non.

L’Europe doit faire mieux. L’Union européenne a pris quelques mesures positives afin d’améliorer la situation des enfants migrants non accompagnés, notamment en ce qui concerne la détermination de leur âge. Mais beaucoup plus doit être fait pour assurer que ces enfants aient une chance raisonnable dans la vie. L’UE devrait adopter des normes afin d’assurer que les enfants bénéficient de meilleures garanties, puissent défendre leurs droits et puissent contester les décisions des gouvernements en matière d’octroi du droit d’asile ou d’expulsion, avec l’aide de tuteurs et d’avocats.

Nous devrions tous savoir que pour des dizaines de milliers d’enfants migrants, chaque jour passé en Europe représente une épreuve dans une véritable lutte pour survivre. Et nous devrions tous souhaiter faire davantage – s’il s’agissait de nos enfants, nous demanderions beaucoup plus.


Alice Farmer est chercheuse sur les droits de l’enfant au sein de Human Rights Watch, basée à Genève.

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A Calais, la France dans le déni des migrants

9 mai 2013 - Blog du Monde Diplomatique - Marion Osmont

L’article, assez long et richement illustré, est à lire ici

Vers un nouveau droit d’asile en Europe

6 mai 2013 - Le Figaro - Anne Jouan

À Bruxelles, un accord sur un système d’asile commun a été trouvé ce vendredi. Il vise à mettre en place des dispositions communes en Europe sur l’accueil des demandeurs d’asile.

Alors que la France, longtemps premier pays européen pour l’accueil des demandeurs d’asile, a été détrônée en 2012 par l’Allemagne, la Commission européenne a trouvé vendredi un accord sur un système d’asile commun. Ce dernier doit encore être avalisé par un vote du Parlement européen lors de la session plénière du mois de juin. Puis les États membres auront deux ans pour mettre en place les dispositions. La solution trouvée après trois années de discussions souvent houleuses se veut plus protectrice pour les demandeurs d’asile. L’accord impose des normes communes pour le traitement des demandes, l’accueil des demandeurs et la garantie de leurs droits.

Les mineurs non accompagnés devront se voir attribuer un représentant. En cas de doute sur l’âge, le pays doit partir du principe qu’il est mineur. Les responsables nationaux devront être formés à la reconnaissance d’actes de torture par exemple.

Consultation nationale

Actuellement, le délai d’examen des dossiers en France est en moyenne de 16 mois. Avec cette réforme, il devrait passer à six mois ou, exceptionnellement, neuf mois. Ce délai était l’une des promesses de campagne du candidat François Hollande. « C’est l’honneur de la France de protéger ceux qui, sans son aide, seraient en grand danger. Mais notre système d’asile est à bout de souffle », a déclaré le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, dans une interview au Monde (éditions du 5 et 6 mai). Il a déploré « une trop grande concentration des demandes » : plus de 45% des demandeurs d’asile arrivent en Île-de-France.

Le ministre a annoncé le lancement d’une grande consultation nationale avec les associations et les élus locaux à partir du mois de juillet. Avec un mot d’ordre : revoir la qualité de l’accueil, de l’hébergement mais aussi l’accessibilité de la procédure. « Toutes les demandes ne se valent pas et il faut pouvoir les hiérarchiser, a-t-il ajouté. Il faut être lucide et avoir bien conscience des pays d’où viennent les abus (…).Une part non négligeable de la demande d’asile correspond en réalité à de la migration économique. »

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Manuel Valls : "Il faut réformer un système d’asile à bout de souffle"

4 mai 2013 - Le Monde - propos recueillis par Elise Vincent

Après trois années d’âpres négociations, la Commission européenne a annoncé, vendredi 26 avril, qu’un accord avait enfin été trouvé par les Etats membres sur un système d’asile commun. Ils ont désormais deux ans pour transposer ces dispositions. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, explique la réforme qui va être lancée en France.

L’une des mesures-clés de l’accord européen est l’uniformisation des délais d’examen des demandes d’asile de "six à neuf mois". C’était aussi une promesse de François Hollande. Etes-vous prêt ?

Manuel Valls Oui, et pas seulement du fait des négociations européennes. Il y a dans le monde des personnes qui subissent l’arbitraire, la terreur et les persécutions. C’est l’honneur de la France de protéger ceux qui, sans son aide, seraient en grand danger. Mais notre système d’asile est à bout de souffle, je ne l’accepte pas. Il faut le réformer. Depuis 2007, les demandes d’asile ont augmenté de 70 %. Avec 61 000 demandes en 2012, la France est le deuxième pays européen le plus sollicité.

La hausse de la demande d’asile n’est pas nouvelle et ne dépasse pas le pic de 1989 (61 400)...

Je ne fais pas de comparaison. Aujourd’hui, les délais d’examen des dossiers sont en moyenne de seize mois, sans compter la phase en amont de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (l’Ofpra). Les centres d’hébergement des demandeurs d’asile (CADA), qui devraient être la norme, sont, eux, saturés et proposés à seulement 30 % des demandeurs. On a donc recours de façon massive à l’hébergement d’urgence, au détriment des demandeurs d’asile comme des finances publiques. Tout le monde est perdant.

Comment allez-vous faire ?

Je vais lancer une grande consultation nationale avec les associations et les élus locaux à partir de juillet. Elle sera animée par un parlementaire et se conclura à l’automne. Il faut en effet tout revoir : la qualité de l’accueil, celle de l’hébergement, l’accessibilité de la procédure... Il y a une trop grande concentration des demandeurs d’asile : plus de 45 % arrivent en Ile-de-France. Des départements comme l’Oise sont débordés, ainsi que des grandes villes comme Lyon, Rennes ou Dijon. Sur certains aspects, comme le logement, nous procéderons par voie réglementaire. Les dispositions européennes pourront, elles, être intégrées à un projet de loi.

Mais comment faire baisser ces délais sans rogner les droits des demandeurs d’asile ?

Grâce notamment à un nouveau schéma d’organisation à l’Ofpra, où des recrutements sont en cours. Nous allons aussi simplifier toutes les étapes, de la domiciliation jusqu’à l’accueil en préfecture. Il faut diminuer le nombre d’acteurs tout en étant plus directif pour imposer aux demandeurs d’asile d’aller dans des régions moins surchargées.

Jean-Marc Ayrault a annoncé en décembre 2012 la création de places d’hébergement. Quand et où vont-elles être créées, sachant que peu d’élus se battent pour les accueillir ?

Sur les 9 000 places d’hébergement qui seront créées, 4 000 seront dédiées aux CADA, dont 2 000 ouvertes dès le 1er juillet, les autres avant le premier trimestre 2014. Comme cela se fait dans d’autres pays, il faudra désigner des villes et des régions. Cela fera partie des points abordés lors de la consultation avec les élus locaux.

Le système Dublin II, qui permet de renvoyer le demandeur dans le premier pays européen traversé, ne fonctionne guère. Pourquoi la France s’est-elle opposée à sa réforme lors des négociations européennes ?

Le système Dublin est une idée forte qui vise à responsabiliser les pays, et la France a toujours souhaité qu’il fonctionne mieux. Notre pays réadmet plus de migrants "dublinés" qu’il n’en transfère vers d’autres Etats membres. Mais un grand nombre de ces personnes sont des familles, donc plus difficilement éloignables. L’autre problème c’est que, en pratique, peu de déboutés sont éloignés. S’ils restent en France sans titre de séjour, ils dévoient le droit d’asile, et relèvent alors de la lutte contre l’immigration irrégulière. C’est l’objet de la réforme équilibrée que je souhaite : il faut aussi une action déterminée sur les déboutés. Je serai intransigeant sur ce point.

Le manque de moyens de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), l’instance d’appel des demandeurs d’asile, contribue aussi à bloquer le système. Cela va-t-il être revu ?

La CNDA ne dépend pas de moi mais de la justice administrative. Une réforme est effectivement en cours et j’ai rencontré récemment le vice-président du Conseil d’Etat pour que les choses puissent avancer rapidement. La procédure devant la CNDA sera profondément revue par un décret publié avant l’été.

Allez-vous revoir le fonctionnement de la liste des "pays sûrs", qui soumet les ressortissants des Etats inscrits à un examen express de leur dossier, et produit de nombreux déboutés ?

Je suis ouvert à un examen de cette liste mais il faut être responsable : toutes les demandes ne se valent pas et il faut pouvoir les hiérarchiser. Il faut être lucide et avoir bien conscience des pays d’où viennent les abus, sans stigmatiser les populations. Une part non négligeable de la demande d’asile correspond en réalité à de la migration économique.


Un système d’asile commun en Europe

L’accord sur l’asile, annoncé vendredi 26 avril par la Commission européenne, s’attaque au "système d’asile commun". Aujourd’hui, un migrant qui dépose sa demande d’asile en Grèce – principale porte d’entrée des migrants en Europe – a en effet beaucoup moins de chances d’obtenir le statut de réfugié que s’il la formule, par exemple, en Allemagne. Le but de l’accord est de parvenir à des normes communes pour l’accueil, le traitement des demandes et la garantie des droits. Après trois ans de négociations, les Etats membres n’ont toutefois pas réussi à s’accorder pour revoir le système de Dublin, qui impose que la demande d’asile soit traitée par le pays d’entrée dans l’UE. C’est le principal échec de la négociation.

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Tofone Wahedi, ancien migrant, déroule le fil de son périple, de Kaboul à Calais

3 mai 2013 - La Voix du Nord - Ariane Delepierre

Tofone Wahedi vit et travaille à Calais. Il est mécanicien en confection à La Calaisienne. À l’usine de l’impasse des Salines, ses collègues connaissent son histoire. Né à Kaboul, il a dû quitter l’Afghanistan avec l’arrivée au pouvoir des talibans. Il avait 18 ans.Débute alors pour le jeune Afghan un long périple clandestin. Avant d’être un citoyen comme tout le monde, Tofone Wahedi était un migrant. Rencontre.

Derrière sa machine à coudre, il réalise l’ourlet d’une veste. L’uniforme taillé sur mesure habillera un militaire ou un policier. Ceux-là mêmes qu’il a dû fuir pendant des années. Ironie du sort.

Tofone Wahedi a appris à enfiler une aiguille à Kaboul. Après ses études au lycée, il réalise des habits pour dames dans la boutique de son frère, le salon Rhayati Touran, en plein cœur de la capitale. « Des chemises, des robes et des minijupes », précise-t-il. Dans le Kaboul de sa jeunesse, « celui du docteur Mohammed Najibullah » (président communiste de la République d’Afghanistan de 1987 à 1992), on ne parle pas de voile intégral, de burqa, de couvre-feu. « On vivait bien », sourit-il, nostalgique.

La guerre civile, la prise de sa ville natale par les moudjahidines puis la montée des talibans, l’exécution du président Najibullah plongent la capitale dans le chaos. Les habitants rasent les murs. « On marchait dans les rues de Kaboul avec la peur au ventre. Et ces bombes qui tombaient à côté de chez nous. »

« Comme un esclave » en Iran

Le sport, l’alcool, le shopping sont bannis. Le frère de Tofone doit fermer boutique. « Les femmes devaient rester cloîtrées chez elles. On n’avait plus de clientes ». Son père l’exhorte à partir hors d’Afghanistan. « Il voulait pas perdre son fils. Moi, je voulais pas quitter ma famille, ma mère, mes frères et sœurs, mes amis ».

Sa petite sœur naît la nuit où Tofone et son oncle quittent Kaboul pour le Pakistan. Ils vivent trois jours murés dans un hôtel, de peur d’être arrêtés.

En Iran, Tofone voit la France de Zidane championne du monde. « J’aime le foot et la France. C’était une belle journée. » Deux ans plus tard, il quitte seul l’Iran, « un pays où l’étranger est considéré comme un esclave ; on n’avait même pas le droit d’ouvrir un compte bancaire » – pour la Turquie.

Des nuits de marche à pied dans les hautes montagnes iraniennes, escorté avec des milliers d’exilés par les passeurs. 500 € le voyage jusqu’à la ville-frontière de Bazargan. À Istanbul, « on n’avait pas de papier mais on était libre ». Il travaille comme couturier, le seul métier qu’il a eu le temps d’apprendre. Puis la Grèce, l’Italie, où il dort dans la rue. Il passe la frontière française sans être inquiété. « C’était un samedi, il y avait beaucoup de monde. J’ai eu pas mal de chance car je n’ai jamais été arrêté », confie-t-il.

À Nice, il prend un train pour Marseille. À Paris, il est hébergé par un ami. Puis il descend en gare de Calais-ville un jour d’avril 2003, sous une chaleur caniculaire. « Pour moi, c’était une évidence, une fois en France, je devais rejoindre l’Angleterre. Je n’étais qu’à 35 km ! ». Il retrouve des compagnons d’infortune à la distribution des repas, dort dans des maisons délabrées ou dans la « jungle ». Le camp de Sangatte a été rasé. L’eldorado anglais s’évanouit rapidement : « J’ai jamais trouvé de camion. Puis je me suis dit : qu’est-ce qu’il y a de plus, de mieux là-bas ? Je n’aurais toujours pas de papiers. »

Retourné deux fois au pays

Tofone sympathise avec le président de Salam, Jean-Claude Lenoir, et son épouse. Si aujourd’hui il a son titre de séjour valide jusqu’en 2018, un emploi stable, c’est en partie grâce à eux, qui l’ont aiguillé dans le dédale des démarches administratives. Mais aussi au « destin ». Il lui a fait rencontrer une Calaisienne, avec qui il a eu une petite fille, Lina, aujourd’hui âgée de 8 ans. « Si j’étais resté à Kaboul, je serais peut-être mort. Je ne regrette pas ma vie même si je n’ai pas pu la choisir », confie-t-il après un silence. Ceinture noire de taekwondo il aurait aimé enseigner cet art martial en France. « Mais sans diplôme, c’est compliqué… »

Son premier job, avant celui de La Calaisienne obtenu sur CV, il l’a décroché au Chênelet, une association d’insertion professionnelle à Landrethun-le-Nord. Il jardinait et affûtait les outils pour couper le bois. « C’était une bonne expérience et le fait de travailler en toute légalité, sans se cacher, ça fait du bien. C’est important pour un être humain vous savez. »

Il suit toujours de près l’actualité de son pays. Il a pu y retourner deux fois, en 2010 et 2012. Les siens lui manquent. « Rien n’a vraiment changé là-bas. Ils vivent toujours sous tension, avec les bombes. »

Cette année, Tofone demandera sa naturalisation. « Je travaille comme tout bon citoyen. Je pense y avoir droit après toutes ces années. J’espère qu’Emmanuel Valls me donnera une réponse favorable… »

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