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Archives du mois de 07 2014À Calais, la justice expulse en urgence le grand squat de l’usine Galloo24 juillet 2014 - Libération - Haydée SabéranLa juge a choisi de réduire le délai d’expulsion de deux mois à dix jours. Une centaine de migrants campent dans ce squat de l’impasse des Salines. Ils ont dix jours pour partir. Les migrants du grand squat de l’impasse des Salines à Calais ont appris jeudi après-midi la décision de la juge du tribunal d’instance de Calais. Ils s’étaient installés là aux alentours du 10 juillet, et avaient rendu publique l’existence du lieu après une manifestation de soutien aux exilés le 12. La veille, la maire de Calais avait signé un arrêté antiregroupements, et antibivouacs. Depuis, les migrants bivouaquent dans la cour de cette ancienne usine de recyclage de métaux du groupe Galloo, qui a déposé plainte. L’usine est polluée, mais les bénévoles des associations et le collectif No Border avec l’aide de Médecins du Monde, qui fournit des tentes, une toilette, et de rudimentaires cabines pour se laver à l’abri des regards, ont choisi d’y rester, et organisent la vie du lieu avec les migrants eux-mêmes. Ils sont une centaine, des Soudanais, des Iraniens, des Érythréens, des Syriens, des Algériens, des Égyptiens, et un couple de Lituaniens. La juge s’était déplacée sur le squat pour juger par elle-même de la dangerosité du site, à la demande de Marie-Hélène Calonne, avocate de la défense. La juge a découvert un lieu avec un coin cuisine, un groupe électrogène pour recharger les portables, un point d’eau venant des lances à incendie. Le site contient un hangar de cuves d’hydrocarbures encore pleines, dont l’accès a été condamné. À l’audience, le propriétaire du site avait plaidé le danger pour les migrants. « Tout cela est très hypocrite », répond Marie-Hélène Calonne, « c’est sûr que ce n’est pas un hôtel 5 étoiles, mais c’est mieux que le site Seveso où ils seront renvoyés si on ferme le squat ». De fait, le site chimique Tioxide avec ses bosquets, tout près du port, est une des « jungles ». Les autres vivent dans les dunes, ou les parcs de Calais, « dont ils sont régulièrement délogés par la police », raconte Philippe Wannesson, du blog Passeurs d’hospitalités, présent au quotidien. La juge a choisi de réduire le délai d’expulsion de deux mois à dix jours, arguant qu’il y avait « voie de fait ». Les habitants du lieu auront dix jours à compter de la notification par huissier, et le préfet pourra les faire expulser sur demande de propriétaire ensuite. Il n’a pas souhaité commenter la décision du juge, selon l’AFP. Les migrants, eux, devaient se réunir vers 20 heures en assemblée générale pour décider quoi faire. En attendant, « il y a des gens qui jouent aux cartes, d’autres qui commencent à préparer le repas, d’autres qui écoutent de la musique », raconte Philippe Wannesson. À Calais aussi la vie continue, et les migrants continuent de passer. Ils sont de plus en plus nombreux, plus de 1 000 désormais, et n’attendent plus la nuit pour passer. Ils prennent d’assaut les camions sur le port en plein jour au grand dam des routiers et des employés du port. Philippe Wannesson rapporte que Jan, un des porte-parole de la grève de la faim qui a eu lieu en juin sur le site de distribution des repas où ont vécu jusqu’à 700 exilés, évacué le 2 juillet, est passé en Angleterre. Il a été cueilli à Douvres par les autorités britanniques, et est expulsable, vers la Roumanie ou l’Afghanistan. Près de 1 200 migrants arrêtés en quinze jours au port de Calais19 juillet 2014 - La Voix du NordAu total, 7 414 personnes ont été arrêtées dans le département au cours des six premiers mois de 2014 contre 3 129 au cours de la même période de 2013, a indiqué la préfecture du Pas-de-Calais ce vendredi. « On remarque qu’il y a beaucoup plus de clandestins et, lors de nos contrôles, on en détecte plus », indique-t-on au port de Calais. Environ 1 200 migrants ont été arrêtés au cours des deux premières semaines de juillet dans le port. Les migrants viennent désormais surtout de la corne de l’Afrique, de la Somalie, du Soudan et de l’Érythrée. « Ce flux transite par Lampedusa et l’Italie », précise un membre des associations d’aide aux migrants. Les migrants traversent ensuite l’Italie et la France en train ou en bus pour arriver à Calais. Sur l’ensemble des plates-formes transmanche – les ports de Calais et de Dunkerque et le tunnel sous la Manche –, 10 500 migrants ont été interpellés au premier semestre contre 5 133 au premier semestre 2013. Le 3 juillet, 610 migrants, installés pour la plupart sur un site de distribution de repas mais aussi dans trois squats à Calais, avaient été évacués par la police. Un nouveau squat, qui accueille une centaine de personnes, a été installé samedi dernier sur le site Vandamme, impasse des Salines. Il s’agit d’une ancienne usine de recyclage de métaux. Le propriétaire des lieux, Fabien Vandamme, a porté plainte pour occupation illégale des lieux. De son côté, Bertrand Péricaud, conseiller régional (PC) estime que cet afflux de migrants « menace une partie de l’activité du port. Si des mesures urgentes ne sont pas prises, je crains le pire ! ». Le communiste souhaite que le gouvernement mette en place une mesure exceptionnelle « à caractère humanitaire, permettant aux migrants de gagner la Grande-Bretagne ». USGP Police-FO : « Nous ne sommes pas assez nombreux » « La semaine dernière par exemple, en cinq jours, nous avons découvert 1 000 migrants dans les camions. Après, nous les remettons sur la voie publique, ils ne sont pas interpellés. Donc, ils recommencent », note-t-il. Le syndicaliste s’inquiète de la santé de ses collègues devant « ces vagues, ces assauts de migrants qui veulent monter dans les camions. Nous ne sommes pas assez nombreux pour notre sécurité, pour celle des usagers de la rocade, et pour la sécurité des migrants ». Gilles Debove évoque les camionneurs qui « ne sont pas contents de notre travail. Alors, ils s’organisent. Et parfois, on retrouve 100 migrants face à 50 chauffeurs et nous devons intervenir au milieu ». Il regrette ainsi de n’avoir que « vingt personnels en tenue sur le terrain et seulement cinq policiers de la PAF (police aux frontières), le matin, au port ». Il met en avant une hausse des accidents du travail, « car parfois, nous sommes amenés à ramper sur la bâche des camions ». Le syndicaliste demande des renforts, pour la PAF et le commissariat. La demi-compagnie de CRS présente depuis décembre, et l’autre demi-compagnie, arrivée il y a une semaine, ne seraient pas suffisantes à ses yeux. « Nous voulons deux compagnies complètes. L’une pour la PAF, l’autre pour la sécurité publique », souligne-t-il. Cet afflux de migrants s’explique, selon Gilles Debove, par la situation politique de certains pays d’Afrique mais aussi, en raison d’une frontière italienne « passoire ». Enfin, il constate une présence plus forte « de mamans avec leurs enfants. Nous avons eu des hommes, puis de jeunes hommes, puis des femmes et maintenant des femmes avec enfants. Et les passeurs n’étant plus là, ils tentent leur chance en groupes ». La Ville de Calais prend un arrêté anti-regroupement mais surtout anti-migrants11 juillet 2014 - La Voix du Nord - Bruno MalletLe premier adjoint à la maire Emmanuel Agius a présenté jeudi l’arrêté municipal « anti-bivouac et anti-regroupement ». Selon l’élu, il ne vise pas principalement les migrants… Le contexte Un arrêté existait depuis plusieurs années, qui interdisait la mendicité rue Royale, place d’Armes, rue de la Mer et sous les auvents de l’avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny. Il est aujourd’hui remplacé par l’arrêté du 9 juillet 2014, dit « anti-bivouac et anti-regroupement », dont la zone d’application est largement étendue (lire ci-contre). « Calais est une ville de plus en plus touristique, mais aussi de plus en plus confrontée à des problématiques d’insécurité, notamment liées à des regroupements sur la voie publique », commence Emmanuel Agius. L’élu ne cite pas de statistiques, mais évoque plus un ressenti : « Les gens en ont assez de se faire interpeller ou insulter. Il y a des regroupements qui sont malsains, ou pas forcément sécurisants. » Comment apprécier ce qui est « malsain » ou « pas forcément sécurisant » ? Emmanuel Agius indique qu’il y aura une part d’interprétation à la charge de la police, municipale ou nationale : « Si les agents estiment que le regroupement est de nature à troubler la tranquillité, ils pourront demander au groupe de se disperser. Et en cas de refus, ils pourront verbaliser, avec des amendes de 17 €. » Les migrants visés Pour Emmanuel Agius, les migrants et leurs soutiens ne sont pas les premiers visés par cet arrêté. « On vise notamment les regroupements nocturnes à Calais-Nord. J’ai en mémoire le cas de ces touristes qui se sont fait agresser à la sortie d’une boîte de nuit, il y a quelques mois. » L’exemple est mal choisi par Emmanuel Agius : l’arrêté anti-regroupement n’étant applicable que de 9 h à minuit, il ne vise pas les sorties de boîtes de nuit. Et il n’y a guère d’établissements de nuit, non plus, dans de nombreux secteurs visés par l’arrêté du 9 juillet, comme la rue de Moscou ou le boulevard Victor-Hugo. « Les regroupements de migrants sont visés, c’est clair, reconnaît Emmanuel Agius. J’ai reçu des milliers de messages indiquant qu’on ne pouvait plus circuler boulevard Victor-Hugo, à hauteur du squat. Il s’agit de troubles à l’ordre public que cet arrêté permettra de gérer. Les migrants constituent une problématique particulière de notre ville. Dire que ce n’est pas un problème, ce serait se voiler la face. Notre première responsabilité est d’assurer la sécurité des riverains. » Une manifestation place d’Armes samedi ? Plusieurs associations ont appelé à une manifestation « en soutien avec les exilés et contre les violences policières », ce samedi après-midi sur la place d’Armes. « Cette manifestation est interdite », tranche Emmanuel Agius. « Nous ne souhaitons pas qu’elle ait lieu, car il est possible qu’il y ait des No Border. » A priori, aucune demande d’autorisation n’a été envoyée en sous-préfecture, et donc aucune interdiction n’a été prononcée. Si regroupement il y a, il pourrait constituer la première occasion d’application de l’arrêté du 9 juillet… Le périmètre de l’arrêté Sont interdits, du 1er avril au 15 novembre, de 9 h à minuit, sauf autorisation particulière, toutes occupations abusives et prolongées, accompagnées ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, lorsqu’elles sont de nature à entraver la libre circulation des personnes ou porter atteinte au bon ordre, à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publiques. Les secteurs concernés sont la rue Royale, la rue de la Mer, la place d’Armes, la place Foch, la place du Soldat-Inconnu, le boulevard Georges-Clemenceau notamment devant l’entrée du parc Richelieu au niveau du monument aux morts et devant Carrefour City, Cœur de vie (ex-4B), boulevard Pasteur, boulevard Jacquard, boulevard Lafayette, boulevard Victor-Hugo, rue Masséna, rue Charost, rue du Temple, rue du Général-Chanzy, rue Mollien, rue de Moscou, rue Henri-Baillon, et les auvents de l’avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny. Un coup de com’ ? On peut s’interroger sur les modalités d’application de cet arrêté : combien faut-il de personnes pour qu’elles constituent un regroupement ? Sur quels critères doit-on le considérer comme « malsain », ou de nature à « troubler l’ordre public » ? Ne risque-t-on pas de favoriser le délit de faciès ? On peut s’interroger également sur son efficacité. Depuis douze ans, les migrants sont régulièrement « dispersés », et reviennent inlassablement en centre-ville. L’arrêté ne réduira pas leur présence, ni ne soulagera le ras-le-bol légitime de certains Calaisiens. Tout juste leur donnera-t-il l’illusion à ces derniers qu’on fait quelque chose. Cet arrêté risque enfin de contribuer à crisper encore plus une situation très tendue, depuis l’appel à la dénonciation de squats lancé en novembre par Natacha Bouchart, l’augmentation du nombre de migrants, le sens de la provocation de certains militants, en particulier No Border, et les évacuations mal vécues de ces dernières semaines. Les réactions des associations
Steenvoorde : les migrants deviennent indésirables, l’association Terre d’errance appelle à l’aide5 juillet 2014 - La Voix du Nord - Christophe Le-basPlus de douches, plus de terrain municipal et plus de campement de migrants. Jean-Pierre Bataille veut juguler l’afflux de migrants à Steenvoorde. L’association Terre d’errance, qui leur vient en aide, ne comprend pas ce durcissement et estime que cela ne résoudra pas le problème. Le vent tourne à la mairie de Steenvoorde. À compter du 1er septembre, la municipalité ne fournira plus de douches et le terrain municipal ne sera pas mis à la disposition des migrants en novembre. L’aire d’autoroute attire les migrants Sans compter la volonté de destruction du camp permanent de migrants, à proximité de l’aire d’autoroute. « Cette destruction ne changera rien. Les migrants se disperseront, mais ils seront toujours là. Ce qui attire les migrants, c’est l’aire d’autoroute ». Damien Defrance, président de l’association, juge néfaste ce raidissement municipal. Selon lui, les problèmes seraient encore plus grands si le camp n’existait pas. « Ce sera encore plus compliqué à gérer car on ne saura plus où ils sont. Et la suppression des douches posera des problèmes sanitaires. On l’a vu à Calais, avec une épidémie de gale. » Tout a basculé en avril. Le propriétaire du terrain occupé par les migrants a reçu une lettre cosignée par le sous-préfet et le maire, Jean-Pierre Bataille. « Cette lettre demandait le déboisement du terrain », explique le président de l’association. Or, le propriétaire de ce petit bosquet ne s’était jamais plaint de l’occupation. « Le 17 juin, il y a eu une réunion entre le propriétaire, l’association, le maire, les gendarmes, le représentant du sous-préfet, les renseignements généraux, la police de l’air et des frontières… J’étais scotché », se souvient l’abbé Lener, vice-président de Terre d’errance. C’est à ce moment que la décision du déboisement a été amorcée. Désemparé, l’abbé Lener ne comprend pas cette décision de la municipalité. « Chaque année, nous devions négocier pour obtenir le terrain. Ça se faisait sans tension. Nous aimerions vraiment pouvoir garder les douches. Au moins ça. De toute façon, ces gens ne veulent pas rester à Steenvoorde. Ils veulent partir. » L’Eldorado des migrants, c’est l’Angleterre. Steenvoorde, et son aire d’autoroute, sont simplement sur la route. « Envoyer un signal fort pour amorcer un reflux » Jean-Pierre Bataille, maire de Steenvoorde, explique ce qui a motivé sa décision. Qu’est-ce qui a motivé la décision de supprimer l’accès aux douches et au terrain communal ? « Il n’y a qu’un seul déclencheur : l’augmentation du nombre de migrants. L’afflux est trop important, même pour l’association Terre d’errance. L’accord moral mentionnait la prise en charge de 25migrants. Aujourd’hui, il y en a quasiment 100. Qui nous dit que, demain, il n’y en aura pas 200 ? Il faut un signal fort pour amorcer un reflux. Les services de l’État doivent nous aider. » Que réclamez-vous de l’État ? « De la fermeté, le démantèlement des réseaux de passeurs et que la circulation des migrants soit moins fluide. Car là, il doit y avoir une pancarte Steenvoorde à Lampedusa (île de Méditerranée ou les migrants s’échouent régulièrement). L’immigration est une question internationale qu’une seule ville ne peut pas gérer. » En tant qu’élu UMP, cette fermeté ne vise-t-elle pas à coller à la ligne du parti ? « Je suis encarté UMP, mais le parti ne dirige ni ma conscience ni mes actions. » Y a-t-il un revirement vis-à-vis de votre posture humaniste ? « Je suis tiraillé entre mes sentiments et ceux de la population. Mais il faut envoyer un signal fort, avant l’explosion. Car si, demain, il y a 200 migrants, cela peut entraîner des luttes, du racket et de la prostitution. À ce sujet, le courriel du dirigeant de la station service, sur l’aire d’autoroute, m’a fait dire qu’il fallait changer. » Le départ de l’abbé Lener, pour une autre paroisse, est-il le déclencheur de cette fermeté envers les migrants ? « Il n’y a aucun calcul politique. Il sait que la situation est difficile et nos relations ont toujours été franches. Nous sommes amis. » Un afflux ? Le flux de migrants varie chaque année et selon la saison. Pour l’heure, il y en aurait 90. « Il y a plus de monde l’été et une diminution l’hiver. Ils étaient une quarantaine à cette période. Parfois on peut tomber à une dizaine », estime Anne-Marie Defrance, membre de l’association Terre d’errance, en lien étroit avec le camp. « Beaucoup viennent d’Afrique mais aussi de Calais. Ils sont arrivés après les démantèlements récents. » En 2008, à la naissance de l’association, entre 25 et 30 migrants étaient pris en charge, pendant l’hiver. Et à peu près autant l’été. « Aujourd’hui, il y a plus de contrôle à la frontière avec l’Angleterre. Les migrants passent moins et restent en France », explique Damion Defrance, président de l’association. L’association a réuni les migrants pour exposer la décision de la mairie. Mais, selon l’abbé Lener, leur détermination ne faiblit pas. « Ils prendraient tous les risques pour aller en Angleterre ». Interpellation de militants, évacuations de migrants : le point sur la situation à Calais4 juillet 2014 - La Voix du Nord - Marie GoudeseuneLa préfecture « ne communique pas ». La police « ne communique pas, sur ordre de la préfecture ». Pour connaître les suites de l’évacuation de plus de 600 migrants mercredi matin à Calais, c’est donc vers les associations qu’il faut se tourner. Celles-ci, contrairement aux autorités, ont beaucoup de choses à dire... Les migrants, d’abord. 610 ont été évacués mercredi, selon la préfecture. Le nombre de repas servis lors de la distribution de mercredi soir semble le confirmer : au lieu des 800 repas servis les jours précédents, l’association L’Auberge des migrants en a comptabilisé 160 à 180... En revanche, ce jeudi soir, plus de 400 repas ont été servis quai de la Volga (la mairie ayant souhaité garder le lieu de distribution fermé jusqu’en début de semaine prochaine). D’après Christian Salomé, de l’Auberge des migrants, de nombreux migrants sont revenus en ville dès mercredi soir : « Beaucoup sont revenus de Lille et d’un peu partout. Ils ont marché le long des autoroutes, ils ont pris le train... » On a pu croiser hier, en effet, de nombreux exilés portant leurs sacs et qui semblaient errer dans la ville. « Ils ont réinvesti les anciennes jungles et de petites coins peu visibles », selon l’associatif. Eux sont libres, mais environ 200 ont été enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA), notamment en région parisienne et à Rouen. Les militants interpellés, ensuite. Il y a eu trois, mercredi matin, pour outrage et/ou rébellion. Jean-Claude Lenoir, de Salam, François Guennoc, de l’Auberge des migrants et un militant No Borders, ont tous été libérés en cours de journée : ils écopent d’un simple un rappel à la loi. Le premier a dénoncé hier son interpellation. Il affirme qu’il n’a « pas bougé » et que les autorités l’ont interpellé sans raison. Deux autres militants ont été interpellés mercredi après-midi. Le motif de leur garde à vue restait flou ce jeudi soir. Eux aussi ont été relâchés quelques heures plus tard. Les quelque 70 femmes et enfants du squat du 51, boulevard Victor-Hugo ont « déménagé » ce jeudi dans les locaux occupés jusqu’ici par le Secours catholique, route de Saint-Omer. Salam veut parler au ministre de l’Intérieur Dans un communiqué, l’association Salam a dénoncé « la répression aveugle » exercée mercredi matin envers les migrants. Elle affirme que « face à l’absence d’interlocuteur », elle en appelle directement au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve : « Nous demandons qu’une délégation du mouvement humanitaire soit reçue. » Particulièrement remonté depuis l’opération de mercredi et son interpellation par les gendarmes mobiles (lire ci-contre), le président de Salam Jean-Claude Lenoir a affirmé qu’« avec les autorités, c’est fini ! » Il a ajouté qu’un comité directeur de l’association devait se réunir hier, et qu’il serait suivi par une assemblée générale : l’association pourrait décider d’arrêter ses distributions de repas aux migrants, a-t-il déclaré. À noter aussi qu’un nouveau collectif, United Voices Of Migrants In Calais, a envoyé fin juin une vidéo à différentes personnalités et instances politiques, dont François Hollande, le préfet Denis Robin ou encore la Commission européenne, pour dénoncer la situation à Calais. Deux élus ont répondu à leur démarche à ce jour : le député du Nord (PCF) Jean-Jacques Candelier qui leur a simplement dit « merci », et le député du Pas-de-Calais Stéphane Saint-André (Parti radical de gauche) qui s’est engagé à en parler à son groupe parlementaire pour éventuellement questionner l’assemblée nationale sur la situation de Calais. M. GO. Emmanuel Agius : « Je me réjouis de cette opération » Le premier adjoint de Natacha Bouchart s’est « réjoui » ce jeudi des évacuations réalisées mercredi à Calais : « La situation n’était plus tenable, toutes les heures nous recevions des appels ou des mails plus qu’inquiétants de la part de riverains », affirme Emmanuel Agius. Le fait que des centaines de migrants aient été emmenés dans des cars est « une bonne chose », juge l’élu, « même si certains groupuscules ont pris cela comme une agression de voir les gens partir ainsi en bus ». Ce mode opératoire n’est pas inédit à Calais, a-t-il rappelé, se référant notamment au démantèlement de la jungle en 2009. Depuis l’évacuation de la rue de Moscou, des travaux ont été réalisés par la Ville sur le site : « Nous avons mis une clôture et procédé à l’enlèvement des effets, que nous garderons une semaine à proximité de Calais pour que les associations les récupèrent, si elles le souhaitent », précise Emmanuel Agius. L’adjoint répète que son rôle « n’est pas de défendre les migrants, même si je compatis », et qu’il est là « pour défendre les riverains. » Emmanuel Agius n’a pas souhaité nous préciser où avaient été emmenés les effets personnels des migrants. Mais le Secours catholique s’offusquait hier de constater qu’ils se trouvaient dans une benne à ordures, à la déchèterie. « La France s’est moquée de la Cour européenne » Maître Clément, l’avocat des migrants évacués de l’aire de distribution de la rue de Moscou, estime que « le gouvernement français s’est moqué de la Cour européenne des droits de l’homme » qui lui avait demandé, avant l’expulsion, quelles mesures avaient été prises pour assurer le relogement des personnes évacuées. « Le gouvernement a présenté ça comme une vraie opération alors que, de toutes parts, c’est le bordel. On se situait entre la république bananière et la dictature d’Europe de l’est telle qu’elle existait ! » Saisie par l’avocat, la Cour européenne avait décidé mercredi de ne pas suspendre l’évacuation : elle avait jugé avoir reçu suffisamment de garanties de la part de l’État français. Mais maître Clément n’en restera pas là : il a l’intention de poursuivre la procédure sur le fond. « Nous allons constituer un gros dossier rassemblant des documents écrits, les témoignages de tout le monde, et nous allons également saisir le Défenseur des droits. » Il faudra, selon lui, attendre « au moins un an » désormais avant que la CEDH ne se prononce sur ce dossier. M. GO. Plus de 350 migrants sont déjà de retour à Calais4 juillet 2014 - Nord Littoral - François DevinIl fallait s’y attendre. Le scénario était écrit d’avance. Quelques heures après l’évacuation du lieu de distribution des repas et de squats en centre- ville, mercredi, plusieurs centaines de migrants ont retrouvé la cité des Six-Bourgeois. C’est un retour à la case départ. Pire même, selon Christian Salomé, le président de l’Auberge des migrants. Hommes et femmes sont de retour à Calais, mais n’ont plus de lieu où dormir. Ils ont retrouvé toutefois les bénévoles et la distribution de leur repas du soir. Celle-ci ne se fait plus rue de Moscou, mais sur le quai de la Batellerie, comme il y a cinq ans. Et pour cause, la cour de la rue de Moscou, évacuée mercredi matin par les forces de l’ordre, est fermée pour subir quelques travaux. Selon nos informations, ce lieu sera de nouveau ouvert dans quelques jours. Impossible de donner une date exacte toutefois. Hier soir, ce sont plus de 350 migrants qui ont pris leur repas. « Nous sommes contents de les revoir, explique Christian Salomé. Certains nous racontent qu’ils ont été relâchés mercredi matin près de Boulogne, sans le moindre papier ! Leur but, c’est l’Angleterre. Et cela passe par Calais. Les autorités peuvent faire ce qu’elles veulent, ils reviendront à chaque fois. » D’autres migrants, une centaine environ, sont revenus à Calais mercredi soir, par la voie des rails. Partis de Lille et débarqués sur le quai de la gare centrale de Calais, ils ont erré jusqu’à la zone des Dunes, où ils ont essayé de dormir. D’autres ont réussi à échapper aux forces de l’ordre, mercredi, et racontent désormais leur histoire. « Je cours vite, plaisante un Érythréen. Dans mon pays, j’ai échappé à l’armée. Je ne voulais pas me faire enrôler de force. Alors j’ai fui. » Christian Salomé confirme : « On voit de plus en plus de ces jeunes hommes que les parents envoient en Europe pour échapper à la guerre. » Ils ont à peine 16 ans et rêvent d’une chose : de Grande-Bretagne. Le squat Victor-Hugo déménagé4 juillet 2014 - Nord Littoral - Marie BoureyHier, toute la journée, femmes et enfants du squat Hugo ont fait leurs valises et pris la direction de la route de Saint-Omer où elles dormiront désormais. Jusqu’à quand ? Comme annoncé la semaine dernière, le déménagement du squat Hugo a débuté hier dans la matinée. Il devrait se poursuivre aujourd’hui, alors que les femmes ont découvert le lieu qu’elles occuperont désormais avec leurs enfants. Jeudi matin, l’heure était aux cartons et au ménage pour les quelque 70 femmes qui occupaient le 51 boulevard Victor Hugo. Vers 10 heures, une partie d’entre elles dort encore. Certaines ont essayé de passer en Angleterre durant la nuit et la fatigue se lit sur les visages. Pourtant, la plupart gardent le sourire malgré la situation et le déménagement imminent. Alors que la veilleuse de nuit quitte les lieux, les membres de l’association professionnelle Solid’R s’activent et multiplient les allers-retours entre la salle du BCMO (bureau central de la main-d’œuvre) où sont notamment stockés une partie des tapis et des matelas qui seront installés route de Saint-Omer dans les modulaires jusque-là utilisés par le Secours catholique. « L’idée est de tout préparer avant leur arrivée sur place cet après-midi. On ramène d’abord les matelas, puis ce sera les gazinières et ensuite leurs affaires personnelles », explique David Lacour, le directeur de l’association qui gère le squat depuis la fin du mois de mai. S’il estime que ce déménagement n’est pas la solution optimale et qu’il regrette de n’avoir pris connaissance de la convention entre la mairie et l’association que mercredi, David Lacour essaie de rester positif : « Ce n’est pas une solution satisfaisante, mais c’est une situation d’urgence. Les locaux ne sont pas forcément faits pour dormir. » Pour rappel, les femmes et les enfants occupent désormais les préfabriqués, propriété de la mairie, et qui étaient jusque-là utilisés par le Secours catholique. Les activités qui avaient cours dans ces derniers intègrent, quant à eux, les locaux situés au 434 route de Saint-Omer. Ils accueilleront les migrants durant la journée et pour gérer les demandes d’asile notamment. « C’est incohérent, on déplace les problèmes. Ce qu’on fait au Secours catholique, c’est terrible », estime David qui remercie le Secours catholique avec qui Solid’R entretient d’excellents rapports. L’associatif déplore pourtant le manque de communication avec la mairie . En revanche, le directeur de Solid’R insiste sur l’attitude exemplaire des riverains de la rue Victor Hugo qui, malgré les désagréments dûs au squat, ont su garder leur calme. Seul hic cependant, la convention ne court que jusqu’au 3 octobre. Qu’adviendra-t-il de ces femmes et de ces enfants après ? Personne ne semble pour l’instant être en mesure de fournir une réponse. Calais : l’interpellation musclée du président de SALAM par les gendarmes mobiles3 juillet 2014 - La Voix du Nord - David SagotCe mercredi, à Calais, une vaste opération de démantèlement de squats, menée par la préfecture du Pas-de-Calais, a évacué près de 600 migrants, occupant pour la plupart le lieu de distribution de repas, situé rue de Moscou et géré par les bénévoles de SALAM, association calaisienne d’aide aux migrants. Une opération qui s’est déroulée sous tension, comme en témoigne cette vidéo, transmise par Jean-Claude Lenoir, président de Salam (avec le parka bleu), dans laquelle on peut voir qu’il se fait interpeller par les gendarmes mobiles. La scène se passe juste devant le lieu de distribution de repas, dans la matinée de mercredi. On entend Jean-Claude Lenoir, entouré de militants et Calaisiens, protester violemment et à plusieurs reprises à l’encontre des forces de l’ordre, afin notamment de pouvoir accéder au site, bloqué par les militaires et policiers le temps de l’opération. Les raisons de cette interpellation restent troubles. Sur cette vidéo, vers les 40 secondes, on entend qu’un ordre est donné aux gendarmes mobiles pour que soit dispersé ce petit rassemblement de personnes. « On va vers la rue de Riga* », entend-t-on notamment. L’avancée des forces de l’ordre provoque alors une « charge » violente de la part de Jean-Claude Lenoir. Vers la fin de la vidéo, on voit le président de Salam, allongé, victime d’un malaise qui, selon ses dires, serait dû au choc émotionnel consécutif à cette confrontation. * Celle-ci se trouve juste derrière le groupe de manifestants. Plus de 600 migrants évacués à Calais ce mercredi : pour aller où ?3 juillet 2014 - La Voix du Nord - M. GO. et Bruno MalletIls ont été « interpellés » et devaient être « emmenés dans des lieux d’audition pour faire le point sur leur situation administrative ». Dixit le préfet Denis Robin ce mercredi à 9 h. Deux heures plus tard, un communiqué de la préfecture apportait quelques précisions : « Il y avait 540 migrants sur le lieu de distribution des repas et 70 au total dans trois squats. Parmi eux, 270 majeurs sont actuellement en cours d’audition administrative, 219 étant toujours sur le lieu de distribution des repas dans l’attente d’être auditionnés. 121 mineurs sont dirigés sur des centres d’accueil. » La préfecture avait annoncé qu’elle enverrait un nouveau communiqué de presse, en fin de journée, avec davantage de détails sur cette opération, mais ce mercredi à 20 h 30, elle ne s’était toujours pas manifestée. C’est du côté des associations que filtraient quelques informations. Certains militants ont tenté de suivre les autocars (selon une source, au moins 25 bus ont été affrétés hier) qui ont quitté Calais, remplis - à moitié parfois - de migrants. « Ils ont pris l’autoroute direction Boulogne pour certains, et Paris pour d’autres », affirmait ce mercredi une No Borders. Des coups de fil ont été passé par des exilés qui se trouvaient dans des cars à des membres d’associations. « Ils ont expliqué qu’on les emmenait pour certains à Saint-Omer, à Boulogne, à Dunkerque, selon Philippe Wannesson, auteur du blog Passeurs d’hospitalités. D’autres ont été emmenés en région parisienne, et jusqu’à Rennes. » On ignore combien ont été placés en centres de rétention en vue d’une expulsion, combien ont été libérés ou orientés vers des demandes d’asile... Les 121 mineurs auraient été placés à Boulogne-sur-Mer et dans le Béthunois. D’autres majeurs, enfin, ont été emmenés au centre de rétention de Coquelles. Une partie d’entre eux aurait été libérée en cours de journée : selon le collectif « Calais, ouverture et humanité », ils erraient dans les rues ce mercredi, sans savoir où aller. Des choses à cacher ? Combien étaient-ils, les migrants évacués du lieu de distribution des repas hier matin ? 250 ? 540 ? À vrai dire, personne ne le sait vraiment. Pas même le préfet du Pas-de-Calais, qui a donné ces deux chiffres contradictoires en deux heures de temps. Les journalistes présents sur place auraient pu lui éviter ce cafouillage, au préfet, si ce dernier ne les avait pas empêchés purement et simplement de faire leur travail. Évacués sans ménagement du site en même temps que les militants, ils ont été repoussés loin, très loin du lieu de l’évacuation, empêchés de photographier, de filmer, de témoigner. On comprend mal les raisons qui ont poussé le préfet à écarter la presse. Y avait-il des choses à cacher ? Des violences ? Des exactions ? Ou bien est-ce simplement la prodigieuse absurdité de la situation que l’on souhaite ainsi dissimuler ? Car, qu’ils soient 250 ou 540, la plupart des réfugiés expulsés hier reviendront bien vite à Calais, et trouveront refuge où ils pourront. Jusqu’à la prochaine expulsion. Dont les journalistes tenteront de rendre compte. Bruno Mallet Les réactions Yann Capet, député du Pas-de-Calais, conseiller municipal (PS) : « Le lieu de distribution évacué, et après ? Il va se passer quoi ? On va continuer longtemps à se complaire dans ce constat d’impuissance ? À lancer des opérations de communication ? Depuis longtemps, nous avons des propositions, j’en parle avec le préfet, avec le ministre de l’Intérieur, et on se heurte toujours à une fin de non-recevoir de la part de la Ville. On se demande si elle ne veut pas utiliser le sujet, plutôt que de le traiter. L’idée des maisons des migrants, amenée par Manuel Valls, lors de sa visite, revient à proposer un accueil digne, humain. Ce serait un lieu d’information, aussi, où l’on expliquerait que l’Angleterre n’est pas l’eldorado qu’ils imaginent, on leur offrirait d’autres interlocuteurs que les mafias et les passeurs. Ma crainte, c’est de voir les associations se décourager. Car le peu d’humanité que reçoivent les migrants, ce sont les associations qui le donnent. » Jacky Hénin, conseiller municipal d’opposition (PCF) : « Je n’étais pas sur place, mais les échos que j’ai eus de cette opération ne sont pas très favorables. Apparemment, il y a eu beaucoup de gaz, des blessés… Ce n’est pas une manière. Le problème de fond reste entier, il n’existe aucune structure sur le territoire. Depuis l’embryon de projet posé par Manuel Valls lors de sa visite en décembre, il n’y a rien, rien et rien. Il s’agit de mettre en œuvre les conditions de l’humanité, parce que des expulsions de ce type, il risque d’y en avoir beaucoup, car personne n’est dupe, les migrants évacués aujourd’hui vont revenir très vite. Manuel Valls, qui veut faire croire qu’il est aussi ferme que la droite, est fautif. La municipalité aussi. Ils ne cherchent qu’à gagner des électeurs, pas à régler les choses. » Françoise Vernalde, conseillère municipale d’opposition (FN) : « Ça fait quatorze ans que ça dure, tant que le gouvernement ne prendra pas de mesures contre l’immigration, légale et illégale, cela continuera. La visite de Manuel Valls n’a rien changé. Seul le programme du Front national est cohérent pour lutter contre l’immigration. » Plusieurs associations et partis politiques dont Salam, Calais, ouverture et humanité et Europe-Écologie - Les-Verts, dans un communiqué inter-associatif : « Cette énième expulsion sans aucune concertation ou proposition de relogement adaptée se situe dans la droite ligne de toutes les précédentes : quand donc arrêtera-t-on ces violences qui ne font qu’empirer une situation déjà catastrophique ? (...) Une partie de ces personnes reviendra et restera à Calais, une autre se dirigera vers les autres lieux de passage de la région où la pression et la précarité n’en seront que plus fortes : la question ne sera que déplacée, une fois de plus. (...) Nous dénonçons cette expulsion, dont nous connaissons les conséquences, pratiquée avec une rare violence envers les exilés et leurs soutiens et avec la volonté délibérée d’écarter tout témoin. » Retenue au Sénat puis par une réunion, Natacha Bouchart ne nous a pas répondus ce mercredi. Le témoignage d’une militante Sonia Duquenoy se trouvait sur le lieu de distribution de la rue de Moscou ce mercredi matin, quand les gendarmes mobiles sont intervenus. Tous les militants ont été évacués de force du site, sauf elle : la Calaisienne raconte comment elle a réussi à se cacher et ce qu’elle a vu... - Tous les militants ont été évacués de force, sauf vous : comment avez-vous fait pour rester sur place ? « J’ai couru pour qu’on ne m’attrape pas. Avec un autre activiste on s’est caché. Un migrant m’a passé une couverture, une femme m’a voilée et m’a mis des lunettes. Les gendarmes mobiles n’y ont vu que du feu. » - Que s’est-il passé ensuite ? « La police a expliqué aux migrants qu’ils allaient partir dans les centres de rétention, et les enfants dans des foyers. Ensuite ils ont regroupé les migrants par nationalité. Ils criaient Soudanais ! et les Soudanais devaient se montrer et se rassembler. J‘ai vu deux interprètes sur place. » - Comment ont réagi les migrants ? Est-ce que c’était tendu comme au début de l’opération ? « Non, c’était beaucoup plus calme. Comme si c’était envers les activistes que la police avait eu la rage. Les migrants, eux, ont suivi ce que la police leur disait de faire, de toute façon ils n’avaient pas le choix. La police a pris beaucoup de photos des petits groupes qui étaient formés. » - Quelles nationalités étaient représentées ? « Il y avait beaucoup de Soudanais, mais aussi des Érythréens, des Afghans, des Égyptiens... » - Les migrants ont-ils pu récupérer leurs affaires avant de monter dans les bus ? « Beaucoup de personnes n’ont pas pu les récupérer. Ils attendaient assis par terre, puis ils devaient se mettre en ligne devant un policier, et les CRS venaient les chercher pour les emmener dans les bus. Il y avait cinq femmes et plusieurs jeunes de 14-15 ans environ. Ça a été très long, la police venait chercher un groupe de migrants, les amenait dans un bus, et dix-quinze minutes après, elle revenait pour prendre un autre groupe. » - Comme a réagi la police quand elle a vu que vous aviez réussi à reste sur place ? « Ils ne m’ont pas crue. Je leur ai dit que j’avais été plus maligne qu’eux. Ils m’ont laissée partir. » « Qu’est-ce que vous foutez là ? » : à Calais, juste avant l’expulsion du camp2 juillet 2014 - Rue89 - Gaspard GlanzCe mercredi matin, la police a évacué le principal camp de migrants de Calais. Notre reporter, qui y a effectué plusieurs séjours, nous raconte à quoi ressemblait la vie dans ce camp ces derniers jours. John vient de la région de Kunar en Afghanistan et fait partie des grévistes de la faim. A 50 ans, laissant femme et fils pour rejoindre son eldorado britannique via la remorque d’un camion, il ne pensait pas se retrouver bloqué dans l’enfer de Calais pendant quatre mois. Chaque jour, il évite les patrouilles de police et tente de monter par ses propres moyens dans un camion garé sur le parking du port. Il ne fait pas partie des migrants qui prennent le risque de se faire voler, sous la menace d’une arme, les mille euros demandés par les passeurs afin de s’assurer une traversée moins risquée. À l’hôpital, on lui refuse les soins Au début du mois de mai, alors qu’il buvait son café assis à l’entrée d’un campement sauvage de la « jungle » calaisienne, un policier lui a fracturé le nez d’un seul coup de pied, affirme-t-il, après avoir pris soin de retirer son matricule. Une histoire qu’il n’est pas le premier à raconter : nombreux sont les migrants du camp qui portent des bandages aux bras et aux jambes, victimes de fractures provoquées par des matraques télescopiques. La première fois que John se rend à l’hôpital, seul, on lui refuse les soins. Il faudra qu’il revienne une semaine plus tard avec le visage boursouflé et accompagné d’un bénévole associatif, pour qu’un médecin accepte enfin de l’examiner, et de lui retirer un caillot de sang coagulé dans les sinus. Jamal, qui est originaire de Jalalabad en Afghanistan, explique que les Syriens ont surnommé un policier calaisien « Batista » pour sa frappe du gauche si évocatrice du footballeur brésilien. Il fait aussi la description de « Madame Natacha », la femme officier qui donne des grandes claques aux Afghans pour les mettre en colère et provoquer l’outrage à agent. « Vos policiers français sont les mêmes que chez nous, ils n’ont juste pas de barbes », rajoute John avec un sourire narquois. Blessé par balle par un tireur embusqué Adam a raconté son histoire à tous les journalistes qui sont passés sur le « camp Salam », du nom de l’association qui fournit les repas aux migrants, ces trois dernières semaines. Ce Soudanais de 45 ans montre sa blessure par balle, provoquée par un tireur embusqué dans la nuit du 17 au 18 juin. Un tireur Calaisien de 22 ans, dont beaucoup aimeraient qu’on ne souligne pas trop sa proximité présumée avec les réseaux locaux de l’extrême droite identitaire. Une histoire qui rappelle celle du migrant tué au fusil de chasse dans la même ville au début du mois de février. Une nuit – il est 3 heures –, je discute avec trois Erythréens lorsque deux individus s’approchent comme sortis de nulle part. Ils portent de grosses montres au poignet et sont bien mieux habillés que nous : « What the fuck are you doing here ? » (« Putain, mais qu’est-ce que vous foutez là ? ») disent-ils en riant. Les deux hommes se présentent comme des Albanais vivant à Londres, ils ont visiblement moins de 30 ans et parlent un anglais parfait. Ils brandissent fièrement un passeport britannique. A la simple vue de ces deux individus, les migrants avec qui nous discutions s’en vont immédiatement. C’est la même attitude de fuite que l’on observe chez eux lorsqu’on les interroge sur les mafias qui seraient présentes aux abords du port. Les deux Albanais me signifient qu’il vaudrait mieux que je quitte les lieux, avant d’ajouter « Faites bien attention à vous » et de disparaître dans la nuit aussi vite qu’ils sont apparus. La plage la plus laide du monde Le drame de Calais ne se résume pas aux camps de réfugiés : il y a aussi ce no man’s land situé près de l’ancien « terminal Est », bordé par la fameuse « jungle » cachée dans les dunes de sable, parmi les barbelés, les murs en bétons et les caméras infrarouges. La plage la plus laide du monde. Là ou sans témoins pour le raconter, des migrants subissent quotidiennement le racket des mafias et les violences policières. Huit mois. C’est le temps moyen qu’il faut à un migrant Afghan ou Syrien pour s’échouer à Calais en passant par la Turquie, la Grèce, l’Albanie, la Croatie et l’Italie. Certains sont arrivés depuis plusieurs mois, sans dire à leur famille dans quelles conditions ils tentent chaque nuit de franchir la frontière avec l’Angleterre. Il est trop lourd pour eux d’assumer que leur vie en France se résume à la misère la plus totale. Les aides sociales, le statut de réfugié ou celui de demandeur d’asile en France ne les intéressent pas, ils sont en transit pour les îles britanniques. Abandonnés par les services publics et les autorités locales, ils ne peuvent plus compter que sur les associations et les bénévoles pour ne pas mourir de faim. Mais cet écosystème est fragile : il est tributaire des expulsions de squats et des rassemblements de migrants, qui ont surtout le désavantage d’être trop visibles aux yeux de certains Calaisiens. L’histoire du centre de Sangatte se répète. Plus de tentes et une nourriture rationnée Depuis que la police a détruit le camp « des Afghans et des Syriens » le 28 mai, la situation est encore pire pour ceux qui se sont réfugiés 150 m plus loin, dans « l’aire des repas », un quai désaffecté transformé en camp de réfugiés autogéré où cohabitent de nombreuses nationalités (tous viennent de pays en guerre ou en conflit ethnique). Ces migrants n’ont plus de tentes pour se protéger du froid ou de la pluie, alors ils dorment sur le macadam, les uns contre les autres. Des toilettes chimiques récemment installées en nombre insuffisant, il ne reste aujourd’hui qu’un amoncellement de déjections infâmes qui donne la nausée lorsque l’on s’en approche de trop. L’unique point d’eau n’est pas potable, et il n’y a aucune possibilité de prendre une douche. Depuis le 28 mai, l’afflux des migrants sur le nouveau camp a obligé les associations qui préparent les repas à rationner les portions. Certains migrants ne mangent pas pendant plusieurs jours. C’est le tribunal administratif qui a décidé que le camp de l’aire de distribution des repas ou « camp Salam » devait être évacué. Le préfet du Nord l’avait annoncé à la mi-juin : les migrants qui veulent rester en France ont la possibilité de demander l’asile, mais les autres doivent quitter Calais sur le champ. Vidange des centres de rétention Pour protester contre cette mesure et contre leurs conditions d’accueil en France, une trentaine de migrants se sont mis en grève de la faim. Peine perdue : leur tente, située en plein milieu du camp Salam, rue de Moscou, sera évacuée comme les autres. Ce mardi, des militants de la Cimade (une des seules associations françaises autorisées à se rendre dans les centres de rétention) ont annoncé qu’ils constataient une vidange inhabituelle des principaux centres de rétention administratifs du nord de la France, ce qui précède généralement une intervention massive des forces de l’ordre sur un rassemblement d’étrangers en situation irrégulière. Ils craignent que les migrants arrêtés lors de l’évacuation du camp Salam ne soient dispatchés dans ces centres, en vue d’une expulsion vers leur pays d’origine pour ceux dont la situation le permettrait. Les autres seraient libérés à des centaines de kilomètres de Calais. Comme en 2009, lors de l’évacuation de la « jungle », un camp de tentes planté dans les dunes et la végétation aux abords du port. Calais : importante opération policière contre les migrants ce mercredi matin2 juillet 2014 - La Voix du Nord - Marie Goudeseune et Pierre Le MassonLa police et les gendarmes mobiles ont évacué ce mercredi matin à 6 h l’aire de distribution des repas de la rue de Moscou à Calais. Ainsi que trois squats du centre-ville. Plus de 600 migrants ont été interpellés. Le site de la rue de Moscou servait tous les jours aux associations pour distribuer les repas aux nombreux migrants qui vivent à Calais. Il était occupé par plusieurs centaines de migrants depuis fin mai 2014, c’est à dire depuis le démantèlement des deux plus importants camps de migrants de Calais. Une bonne partie s’était alors réfugiée là, ce qui leur permettait de vivre sur le lieu de distribution des repas. Ce mercredi matin, ils ont été encerclés par les gendarmes mobiles dès 6 h. Certains migrants se sont enfuis en escaladant les grilles. Il y a eu des moments de panique à l’intérieur. Vers 8 h, la majorité des migrants était toujours réfugiée dans la grande cour extérieure qui leur sert de squat. Selon le préfet, « ils ont tous été interpellés et ils pourraient être emmenés dans des lieux d’audition (sans doute des centres de rétention, ndlr) pour faire le point sur leur situation administrative. » Des expulsions décidées par la justice Le préfet dit que l’opération de ce matin est l’exécution de plusieurs décisions de justice, qui avait ordonné l’expulsion de ces différents lieux : le centre de distribution des repas de la rue de Calais et trois squats du centre-ville, rues Masséna, de Vic et Auber. Les trois appartiennent au bailleur social OPH, qui a déposé plainte pour occupation illégale. Ce sont des maisons inhabitées, squattées depuis quelques mois. Une ordonnance d’expulsion avait été délivrée il y a un moment mais elle n’avait pas été mise en application. Selon le préfet, il y avait 540 migrants sur le lieu de distribution rue de Moscou et 70 dans les trois squats du centre-ville, dont 121 mineurs. « Il n’y a eu aucun blessé pendant les interventions de la matinée », précise Denis Robin. Les No Border s’opposent vivement aux gendarmes Rue de Moscou, l’évacuation s’est effectuée après avoir écarté les témoins. Les gendarmes mobiles ont débuté l’évacuation vers 6h30 en resserrant l’étau et ont fait sortir de force les journalistes et les militants d’association, qui ont fortement protesté. Un cordon de sécurité a été dressé tout autour de cette aire. Une bonne centaine de migrants était encore à l’intérieur, de différentes nationalités. Cinq à six bus ont été amenés pour emmener les migrants. Des militants se sont d’abord allongés par terre sur la route pour empêcher les bus d’arriver au lieu de distribution. Ils ont été emmenés par les gendarmes mobiles. Au cours de cette opération, qui s’est passée « de façon assez traditionnelle » selon le préfet, les gendarmes mobiles ont fait usage de gaz lacrymogènes plusieurs fois pour repousser des militants et des migrants qui s’opposaient à l’opération. Trois personnes ont été interpellées pour rébellion et outrage : un militant No Border, un membre de l’association L’Auberge des migrants ainsi que le président de l’association Salam, Jean-Claude Lenoir. Les bus ont alors pu accéder au camp de migrants sans qu’on sache exactement ce qu’il s’est passé à l’intérieur, les journalistes étant interdits. Le quartier et la circulation ont été bouclés rue de Moscou. Vers 10 h, près de dix bus sont ressortis de l’aire de distribution des repas. Des migrants se trouvaient à l’intérieur, ainsi que des policiers. |